Vers la Fin des Courtiers ? Menaces et opportunités face à la digitalisation du marché.

Les courtiers à l’ère de la digitalisation : faut-il vraiment dire adieu à ces intermédiaires ?

Les grandes lignes de l’avenir du secteur des courtiers se dessinent dans la poussière de la numérisation. 

C’est un fait, les nouvelles technologies bouleversent les pratiques traditionnelles. 

Mais que se passe-t-il lorsque les robots prennent le relais des conseillers humains ? Et surtout, quelle place reste-t-il pour les courtiers traditionnels dans un monde où la numérisation progresse à grands pas ? 

Ces derniers, se retrouveront-ils, davantage, dans un rôle de spectateurs, que d’acteurs?

La question fondamentale qui se pose aujourd’hui est de savoir si la digitalisation signifie la fin des courtiers ou si, au contraire, elle représente une chance de se réinventer et d’évoluer.

L’automatisation : une avancée ou un sabre à double tranchant ?

La menace qui plane sur les courtiers, sont les plateformes en ligne. 

Faciles d’accès, rapides et souvent moins chères, elles séduisent une clientèle en quête de simplicité. Le constat est simple : “pourquoi faire appel à un courtier lorsque quelques clics suffisent pour obtenir une offre d’assurance ou de crédit ?” Les comparateurs en ligne, comme ceux utilisés dans le secteur de l’assurance, permettent d’obtenir des résultats instantanés. 

Ces plateformes sont devenues des alternatives puissantes, promettant une plus grande efficacité.

Cependant, l’automatisation, bien que prometteuse, soulève une question importante : “est-ce vraiment au service des consommateurs ou une simplification excessive qui nuit à la qualité du service ?” Selon des tendances observées dans le secteur, un nombre croissant de consommateurs dans les marchés développés utilise des plateformes en ligne pour souscrire des assurances, notamment parmi les jeunes générations (18-35 ans).

Si, à première vue, cette évolution semble rendre obsolète le rôle du courtier, il serait cependant naïf de penser que l’automatisation puisse remplacer complètement l’expertise humaine. Les consommateurs, notamment dans le domaine des produits complexes comme l’assurance ou les investissements, recherchent encore un accompagnement personnalisé. 

Certes, la simplicité à ses avantages, mais l’individualité et le conseil sur mesure restent essentiels. 

Les géants du numérique, armés de données massives et d’algorithmes, offrent une expérience client qui semble plus « intelligente » et efficace que celle d’un courtier humain. 

Les données, véritables pierres angulaires de ce XXIe siècle, permettent à ces plateformes de proposer des offres hyper-personnalisées, souvent avant même que le client n’ait formulé ses besoins. Des algorithmes d’intelligence artificielle comparent les offres et génèrent des recommandations qui semblent taillées sur mesure.

Prenons l’exemple des crédits immobiliers. 

En quelques secondes, des plateformes comme Meilleurtaux.com ou Simuleo génèrent des simulations et comparent les offres des banques. 

Pas besoin de rendez-vous en agence ni de courtier. 

Tout est instantané et personnalisé. 

Selon certaines estimations, comme celles de CB Insights, le marché mondial des Fintechs a connu des investissements significatifs en 2023, avec une forte croissance dans les secteurs du crédit en ligne et des prêts peer-to-peer.

Mais cette efficacité a ses limites.

Un conseiller humain, surtout dans le domaine des produits complexes comme l’assurance ou le crédit, saura capter des éléments intangibles qu’un algorithme pourrait négliger : les émotions, le contexte personnel ou les projets de vie. 

Ces éléments peuvent faire toute la différence dans une recommandation. 

La technologie doit être un outil au service de l’humain et non le remplacer, surtout lorsqu’il s’agit de décisions financières lourdes de conséquences.

Les courtiers, au cœur d’un paradoxe : entre disparition et adaptation

Si l’arrivée des plateformes numériques semble réduire le besoin d’intermédiaires humains, un phénomène paradoxal apparaît : “les courtiers peuvent se réinventer”

Au lieu de les considérer comme une menace, la numérisation peut devenir un levier. 

En devenant des experts des outils numériques, en proposant des services de conseil adaptés et en s’intégrant dans des écosystèmes numériques collaborateurs, les courtiers peuvent non seulement survivre, mais aussi prospérer.

Des courtiers immobiliers, par exemple, ont commencé à se tourner vers des plateformes d’évaluation en ligne et des outils de gestion de la relation client (CRM). 

De plus, la personnalisation de l’expérience client grâce aux données et l’utilisation de chatbots pour les questions basiques permettent de proposer une offre hybride : numérique et humaine. 

La question n’est pas de savoir si les courtiers vont disparaître, mais comment ils vont se redéfinir. 

Au sein même de l’entreprise, si l’interface humaine dans la gestion de la relation client résiste aux assauts de l’IA, le traitement d’un dossier de crédit est de plus en plus automatisé, et risque fort de l’être totalement dans les 5 prochaines années. Exit donc les back-offices et les analystes crédit : la machine repèrera les anomalies et les mouvements à justifier, et vous enverra même une demande de justificatifs à fournir ! En prime, comme elle n’est pas humaine, l’IA aura très certainement accès aux fichiers de la Banque de France et le tour sera joué. Puisqu’on est encore dans la fiction, ne vous inquiétez pas, on proposera des formations de reconversion “Hot-Dog frites gourmet.”

Dans un monde de plus en plus connecté, ceux qui sauront allier expertise humaine et technologies seront ceux qui tireront leur épingle du jeu. 

Ceux qui persisteront à ignorer les innovations risquent, en revanche, de se retrouver marginalisés, comme des dinosaures refusant d’évoluer.

Les opportunités des courtiers dans un monde digitalisé : une chance à saisir

Pour ceux qui osent se réinventer, les opportunités sont vastes. 

D’abord, l’adoption des outils numériques permet une meilleure gestion du portefeuille clients, une expérience fluide pour les consommateurs et une réduction des coûts. 

Ensuite, la digitalisation des processus opérationnels permet aux courtiers de se concentrer sur ce qu’ils font de mieux : conseiller et offrir des services personnalisés. Enfin, la collaboration avec les Insurtechs et autres fintechs, loin d’être un signe de déclin, peut devenir un atout stratégique.

Ces collaborations permettent de combiner le meilleur des deux mondes : “l’agilité des startups technologiques et l’expertise des courtiers traditionnels”.

À titre personnel, je pense que la digitalisation n’est pas une fin en soi, mais un moyen de devenir plus pertinent et performant. 

Pour les courtiers, c’est une occasion d’élargir leur gamme de services, d’améliorer leur efficacité et de se positionner comme des experts du conseil digitalisé.

Vers une réinvention des courtiers ?

La digitalisation ne signifie pas nécessairement la fin des courtiers. 

Bien au contraire, elle représente une opportunité d’adaptation, de transformation et de croissance. Les courtiers, à condition de ne pas craindre la révolution numérique, peuvent se réinventer en capitalisant sur leurs points forts : “la relation humaine, l’expertise, et l’accompagnement personnalisé”. 

Si la digitalisation redéfinit les contours du secteur, elle n’efface pas l’importance du conseil humain. 

En adoptant les bonnes stratégies, les courtiers ont tout à gagner. 

La clé réside dans leur capacité à jongler avec l’humain et le numérique, dans un monde où l’un ne doit pas exclure l’autre.

      Charles MEYERGUE 

              Juriste à l’IEPB

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