Si le monde du financement avait des aventuriers, Amaury de Monclin en serait sans doute un. Son parcours, riche et international, l’a conduit des banques aux circuits complexes du financement des expatriés et des non-résidents. Aujourd’hui, il est une figure incontournable du secteur, avec une expertise pointue sur un marché de niche souvent incompris par les institutions financières classiques.
Un parcours aux multiples escales
Amaury de Monclin n’a jamais vraiment eu de frontières. Diplômé en finance, il commence sa carrière dans les années 90 en Angleterre, recruté par General Electric pour travailler sur les cartes privatives. Déjà , il est plongé dans les méandres des marchés financiers internationaux, jonglant entre réglementation, gestion des risques et développement commercial.
En 2000, il rentre en France pour intégrer GE Money Bank, où il découvre le marché du regroupement de crédits qu’on nommait encore à l’époque rachat de crédits (RAC). C’est à ce moment qu’il s’implique dans le projet d’acquisition de la Banque Royale Saint-Georges, une étape clé qui lui permettra d’affiner sa compréhension du crédit immobilier et des stratégies de financement sur mesure. « C’était une période exaltante, où nous avons construit des modèles innovants de financement spécialisés », confie-t-il.
Ses expériences le mènent ensuite à Paris, où il travaille sur le financement immobilier des non-résidents, avant de repartir en Angleterre entre 2008 et 2012. C’est en pleine crise des subprimes qu’il est plongé dans le monde des prêts hypothécaires, une époque qui le marquera profondément. « J’ai vécu de l’intérieur la montée et la chute d’un modèle basé sur une trop grande prise de risque », se souvient-il.
L’indépendance comme moteur
En 2014, après près de vingt ans dans le salariat, Amaury fait un choix radical : il se met à son compte. Il fonde Bluesky Finance, un cabinet spécialisé dans le financement des étrangers et expatriés souhaitant investir en France. Son objectif : combler un vide que les banques traditionnelles laissent béant.
« Un Américain ultra-riche qui veut acheter un appartement à Paris se heurte souvent à un mur administratif. Il a tout : liquidités, garanties, historique bancaire irréprochable… et pourtant, les banques françaises refusent son dossier parce qu’il est rémunéré en dollars », explique-t-il. Pour lui, ce type de situation met en lumière les défis posés par les normes bancaires françaises, qui, en raison d’un cadre réglementaire rigide, laissent parfois peu de marge de manÅ“uvre pour s’adapter aux profils internationaux.
Grâce à son expertise et son réseau, Bluesky Finance se positionne rapidement comme un acteur clé pour cette clientèle en quête de solutions sur-mesure. « Nos clients sont des moutons à cinq pattes : ils ne rentrent pas dans les cases des banques françaises. Mon rôle, c’est de leur trouver une solution en mobilisant les bons partenaires financiers. »
L’obsession du risque dans le système bancaire français
Amaury de Monclin observe avec attention l’évolution du système bancaire français. Si les établissements français appliquent des règles strictes en matière de financement, d’autres pays adoptent une approche plus flexible. « Aux États-Unis, presque tout est finançable si l’on présente les garanties nécessaires. En France, il arrive qu’un entrepreneur ayant vendu son entreprise pour 100 millions d’euros rencontre des difficultés pour obtenir un prêt, simplement parce qu’il n’a plus de revenus salariés. » Contrairement aux pays anglo-saxons, où la flexibilité prime, la France impose des règles qui peuvent sembler singulières. « Aux États-Unis, presque tout est finançable si l’on présente les garanties nécessaires. En France, même un entrepreneur ayant vendu son entreprise pour 100 millions d’euros peut se voir refuser un prêt, simplement parce qu’il n’a plus de revenus salariés.»
Cette approche prudente des banques françaises limite certaines opportunités, alors que d’autres établissements, notamment au Luxembourg et à Monaco, adoptent des critères différents. « Les banques privées luxembourgeoises, par exemple, savent s’adapter aux besoins d’une clientèle internationale en adoptant une approche plus souple et en considérant des garanties parfois différentes des standards français, mais tout aussi fiables.»
Il se souvient d’un client texan qui souhaitait acheter un appartement à Paris. « Cet investisseur avait 50 millions de dollars sur son compte en banque. Il voulait emprunter 50 % du prix d’achat pour des raisons patrimoniales et fiscales. Ses garanties étaient parfaites, il était prêt à payer un taux majoré. Et pourtant, aucune banque française n’a accepté son dossier ! » Amaury secoue la tête en repensant à cette anecdote. « C’est exactement ce genre de rigidité qui me fait dire que la France passe à côté d’une manne financière énorme.»
Un marché en mutation
L’évolution du métier d’IOBSP en France est aussi un sujet qui lui tient à cœur. Il observe avec attention l’émergence de nouvelles plateformes de distribution de crédit et la montée en puissance du courtage. Mais selon lui, tant que le poids des banques restera dominant, l’indépendance des courtiers restera limitée. « Il y a 20 ans, on nous promettait que le courtage représenterait 70 % du marché du crédit, comme en Angleterre. Aujourd’hui, on en est encore loin, car les banques privilégient toujours leurs propres canaux de distribution.»
Il pointe aussi du doigt les obligations de formation et de conformité des IOBSP. Amaury trouve que la professionnalisation des IOBSP est une excellente chose, ce à quoi j’acquiesce parfaitement. Mais je lui indique qu’on observe encore des courtiers qui passent à travers les mailles du filet. « Certains n’ont jamais fait de formation annuelle, ne savent pas ce qu’est un document d’entrée en relation… C’est hallucinant ! ». Amaury semble interloqué par cette nouvelle. Pour lui, cette absence de structuration empêche le marché d’évoluer vers plus de professionnalisme. Il met cependant en avant les initiatives comme la création de réseaux de courtiers mieux formés et le développement de nouvelles plateformes de mise en relation avec les banques. « Il faut qu’on arrête d’être à la traîne. Le marché anglo-saxon nous montre la voie depuis des décennies, il serait temps de s’en inspirer ! »
Les conseils d’Amaury de Monclin aux nouveaux entrants
Avant de conclure l’entretien, je demande toujours à mes invités quels conseils ils donneraient à ceux qui souhaitent se lancer dans la profession. Amaury de Monclin ne fait pas exception à la règle. Il réfléchit un instant avant de répondre :
« Avant tout, il faut être curieux et persévérant. Ce métier exige une capacité d’adaptation constante. Les réglementations évoluent, les attentes des clients aussi. Il faut se former régulièrement et ne jamais prendre ses acquis pour définitifs.»
Il insiste aussi sur l’importance du relationnel : « Un bon courtier n’est pas seulement un technicien du financement, c’est aussi un excellent communicant. La confiance se construit sur le long terme, et ce sont souvent les détails qui font la différence dans une relation client.»
Enfin, il conseille aux nouveaux courtiers de bien choisir leur réseau et leurs partenaires bancaires : « On ne réussit pas seul dans ce métier. Travailler avec des partenaires solides et fiables est essentiel pour offrir les meilleures solutions aux clients. Il faut aussi être patient, car les résultats ne viennent pas du jour au lendemain. »
Une vision pour l’avenir
Amaury de Monclin se dit cependant optimiste sur le long terme. Il croit en l’évolution du métier et en la nécessité de s’adapter à des clients dont les profils évoluent, avec des parcours de plus en plus internationaux. « Le monde change, et le financement doit s’adapter avec lui. Ceux qui comprendront cela auront un temps d’avance. »
Il continue de travailler sur de nouvelles solutions de financement, en recherchant des banques privées ouvertes à des montages plus flexibles. Son objectif est d’accompagner au mieux ses clients dans des solutions adaptées à leur situation internationale, en trouvant les bons interlocuteurs pour chaque dossier.
Avec son approche pragmatique et sa fine connaissance des rouages bancaires, Amaury de Monclin continue de tracer sa route, bien décidé à faire sauter les barrières qui freinent l’accès au financement international. Une mission qu’il mène avec passion, en refusant d’accepter un “non” comme réponse.
Propos recueillis par Jérome CUSANNO
Le 26/02/2025.