L’intelligence relationnelle comme exigence légale et professionnelle

Dans un environnement bancaire marqué par l’industrialisation des produits et la dématérialisation des parcours clients, l’IOBSP reste un point d’ancrage humain. Sa mission ne repose pas seulement sur la capacité à distribuer des crédits ou à présenter des offres, mais surtout à écouter, comprendre, expliquer et conseiller avec justesse, selon des règles définies par le droit.

Ce que le Code monétaire et financier ne dit pas toujours explicitement, il le sous-entend dans l’exigence de conseil, d’explication et de personnalisation, autrement dit, dans l’intelligence relationnelle.

1. Un cadre juridique qui impose une posture relationnelle active

L’intelligence relationnelle n’est pas un plus, elle est juridiquement nécessaire pour respecter les obligations suivantes :

A. Obligation d’information

“L’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement présente au client, y compris au client potentiel, les caractéristiques essentielles du service, de l’opération ou du contrat proposé. Lorsque le contrat porte sur une opération de crédit, il doit en outre appeler l’attention du client, y compris du client potentiel, sur les conséquences que la souscription du contrat pourrait avoir sur sa situation financière et, le cas échéant, sur les biens remis en garantie. L’intermédiaire adapte le contenu et la forme de ces explications au niveau de connaissance et d’expérience du client, y compris du client potentiel.”

Cette obligation s’entend au sens de maintenir une relation très étroite avec le client dans l’optique de lui donner une information claire, exacte et non trompeuse sur son statut.

Cette obligation suppose une capacité à vulgariser des concepts bancaires complexes, à adapter son discours au niveau de compréhension du client, et à créer un climat de confiance. Cela relève pleinement de l’intelligence relationnelle, qui permet d’adapter le fond et la forme du message.

B. Devoir de mise en garde et devoir de conseil 

Pour comprendre le devoir de mise en garde, il faut le dire que l’intermédiaire a l’obligation d’expliquer la portée de l’engagement (crédit) et les dangers auxquels le client s’expose. De nature jurisprudentielle, cette obligation veut dire concrètement, pour le professionnel, qu’il doit attirer l’attention de l’emprunteur sur le risque d’endettement excessif que le prêt envisagé pourrait engendrer au regard de ses capacités financières. Ce devoir se situe entre la simple information et le conseil. 

Ce devoir s’accompagne d’une analyse préalable de la situation du client (ressources, charges, projets, comportement financier, etc.). Il ne peut être satisfait qu’à travers une relation individualisée, basée sur l’écoute et l’échange actif.

  • Devoir de mise en garde = J’alerte sur les risques

Exemple : “Attention, ce prêt comporte un risque pour vous (surendettement, mensualités élevées etc.)”

Quant au devoir de conseil, il est le quotidien des courtiers (COBSP) et leurs mandataires (MIOB), pas les simples intermédiaires qui agissent pour le compte d’une seule banque.

  • Devoir de conseil = Je recommande un produit adapté

Exemple. : “Prenez ce prêt, voici pourquoi il vous convient”

C. Obligation de recueil des besoins (CMF – Article L.519-6, II)

En vertu de l’article R. 519-21 du Code monétaire et financier, l’IOBSP doit recueillir des informations sur vos connaissances et votre expérience en matière d’opérations de banque, mais aussi et surtout sur votre situation financière et vos besoins. À ce juste titre, l’intermédiaire recueille les informations nécessaires sur la situation du client, ses objectifs et sa compréhension du produit. »

Cela suppose la mise en œuvre de techniques d’entretien structurées, d’empathie professionnelle et de capacité à faire parler le client, souvent dans un moment de vulnérabilité. Autrement dit, il est le lieu de tout consigner dans un D.E.R (Document d’Entrée en Relation).

2. L’intelligence relationnelle : composante fonctionnelle du devoir de conseil

L’IOBSP ne peut se contenter d’informer passivement. Il est tenu d’orienter activement, en s’assurant que le client comprend et accepte en connaissance de cause.

Or, cette compréhension réelle ne peut être évaluée que via des compétences relationnelles clés, telles que :

  • L’écoute active (Carl Rogers)
  • La reformulation pour valider la bonne réception du message
  • La détection des signaux faibles : doute, contradiction, hésitation
  • La gestion émotionnelle : éviter que le stress n’altère la décision, état de faiblesse, personne âgée, discernement, etc.

En droit, le manquement à ces obligations peut entraîner la responsabilité civile professionnelle de l’IOBSP.

3. Intelligence relationnelle et conformité : un levier de sécurité juridique

Plus l’IOBSP structure sa relation client avec méthode et humanité, plus il se protège :

  • Traçabilité des échanges
    → Les éléments verbaux recueillis grâce à une écoute de qualité nourrissent les fiches de renseignements obligatoires.
  • Justification des choix
    → L’adéquation entre la situation du client et le produit proposé doit être explicitement démontrée. Cela nécessite une relation dialoguée, documentée. C’est le lieu de comprendre que seul le Courtier et son MIOB ont l’obligation de justifier leur choix du produit et non pas le MNE ou le ME.
  • Cependant, selon l’article L519-4-1 du Code monétaire et financier (CMF), les IOBSP doivent se comporter de manière honnête, équitable, transparente et professionnelle dans l’intérêt de leurs clients.
    Ainsi, même si le devoir de conseil ne s’applique légalement qu’aux COBSP et à leurs MIOB, on peut s’interroger : En ne prodiguant aucun conseil, un intermédiaire respecte-t-il réellement les principes d’honnêteté, d’équité, de transparence et de professionnalisme exigés par la loi ?
  • Défense en cas de contentieux
    → Un échange bien mené, respectueux du devoir d’explication, est une preuve de conformité face à une action en responsabilité ou un litige client.

4. Vers une professionnalisation de l’intelligence relationnelle ?

Les textes encadrant la formation des IOBSP (article R. 519-11-3 du Code monétaire et financier et article L. 314-24 du Code de la consommation) imposent des modules techniques (crédit, droit, fiscalité). Toutefois, la part dédiée aux compétences comportementales reste faible. Il serait légitime de plaider pour une intégration systématique de modules sur :

  • La communication interpersonnelle appliquée au crédit
  • La détection de la vulnérabilité financière
  • La gestion des situations de stress ou de conflit
  • Les biais cognitifs du client emprunteur

Ces modules permettraient de renforcer l’efficience de l’IOBSP dans son rôle juridique, éthique et humain.

5. L’intelligence relationnelle, un pilier légal déguisé

Le métier d’IOBSP, trop souvent résumé à sa dimension commerciale, repose en réalité sur une architecture juridique solide où l’intelligence relationnelle joue un rôle central. Elle est le moyen de mise en œuvre des obligations légales, mais aussi un facteur de sécurité juridique, de performance économique et de crédibilité éthique.

Là où le texte de loi dicte un devoir, l’intelligence relationnelle en est l’instrument concret. Elle ne s’apprend pas seulement, elle s’exerce, se peaufine et se structure. Et dans un monde où la finance se digitalise, elle demeure le dernier bastion de l’humanité dans l’intermédiation.

Bachir BORAUD

Juriste à l’IEPB

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