Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr) et Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com)
Laurent Denis, Avocat, pratique, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.
Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.
Le regroupement de crédits constitue une intéressante voie de diversification, pour l’Intermédiaire en opérations de banque. Agissant généralement dans la catégorie de Mandataire d’un Mandataire Non Exclusif d’établissement de crédit, l’Intermédiaire en regroupement de crédits applique des règles juridiques spécifiques à cette activité. Celles-ci sont soit attachées à la catégorie de MNE-IOBSP, soit découlent de la nature du regroupement de crédits. Deux sources intéressantes permettent de mieux saisir ces particularités juridiques : une communication de l’ACPR, en 2023 ; et la Jurisprudence récente des Tribunaux civils. L’IOBSP en regroupement de crédits peut ainsi intégrer ces normes juridiques spécifiques directement dans sa pratique, pour accroître considérablement sa sécurité juridique.
Informations d’entrée en relation (présentation) et rémunération de l’IOBSP en regroupement de crédits.
Le 16 mai 2023, l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution publiait un communiqué de presse visant les Intermédiaires en opérations de banque qui proposent du regroupement de crédits. Relatif aux manquements relevés lors de missions de contrôle auprès de ces Intermédiaires, ce choix original de communication affirmait que les Intermédiaires bancaires en question seraient, selon l’ACPR, gravement fautifs. En particulier : ils prendraient bien peu soin des intérêts de leurs Clients. Une telle communication publique, déséquilibrée car uniquement axée sur des points critiques, laissant de côté tous les points positifs du regroupement de crédits, laisserait facilement croire que l’ensemble des IOBSP protégeraient bien mal les droits des emprunteurs en regroupement de crédits. Tel est le message immédiatement repris par la presse ; sans grande protestation. Pourtant, une part de ces « manquements » s’exposent à de légitimes critiques juridiques. Pour autant, ils donnent aussi un aperçu de carences juridiques possibles, permettant aux IOB qui le souhaitent d’apporter des améliorations considérables à leurs pratiques.
En premier lieu, les IOBSP manqueraient de clarté dans leur présentation au titre de l’opération de regroupement de crédits. Rien n’interdit pourtant à un Intermédiaire en opérations de banque régulièrement immatriculé au Registre national unique des Intermédiaires, tenu par l’ORIAS, d’utiliser et d’exploiter plusieurs marques commerciales.
Deuxièmement, l’IOBSP minorerait le montant réel de sa rémunération. La rémunération de l’IOBSP est souvent la résultante de plusieurs facteurs. Ses montants (rémunération reçue du Client) ou ses modalités (rémunération reçue de l’établissement de crédit) sont exposés clairement aux Clients, par l’Intermédiaire en contact avec le Client (celui qui passe le contrat d’intermédiation), même en présence d’un autre Intermédiaire bancaire. Ces rémunérations présentées sont appliquées lors de la perception de la rémunération. L’IOBSP peut aisément effectuer le contrôle de cohérence entre les informations données au Client, sur ce point, et les rémunérations effectivement perçues.
Dans une autre famille de manquements, l’ACPR reproche aux Intermédiaires bancaires du regroupement de crédits de proposer des crédits inadaptés aux Clients, ou dont l’adaptation aux besoins des Clients ne serait pas correctement établie. Aucune donnée statistique n’existe pour confirmer une telle inadéquation des regroupements de crédits aux besoins des emprunteurs.
L’adéquation du regroupement de crédits aux besoins du Client, en l’absence de mise en garde et de conseil en crédit.
Manque de « formalisation », insuffisance de recueil des besoins et des objectifs des Clients sont autant de points aisément améliorables, lorsqu’ils existent. Ils n’ont pas nécessairement pour conséquence l’inadaptation du crédit proposé, seulement la difficulté de prouver que tel est bien le cas. Il est totalement douteux qu’un établissement de crédit accorde un crédit en l’absence de données suffisantes. L’Intermédiaire contrôle tout simplement que le crédit qu’il offre est « adapté à [la] situation » du Client, selon l’objectif légal. Cette « situation » réunit quatre éléments : les connaissances et l’expérience du Client en crédit, sa situation financière et ses besoins. En particulier, l’ajout d’une ligne de trésorerie doit faire partie des demandes exprimées par le Client.
L’ACPR postule une obligation que la Loi ne contient pas : l’IOBSP en regroupement de crédits serait tenu à un « devoir d’alerte » du Client, notamment en cas d’augmentation du coût de l’endettement ou de la durée du crédit. Or, ces deux facteurs sont, en pratique, toujours présents dans un regroupement de crédits, puisqu’ils sont la contrepartie financière de la réduction de la mensualité, objectif prioritaire recherché par cette opération de restructuration de dette privée.
Un tel « devoir d’alerte » en regroupement de crédits est d’autant moins sérieux que la Jurisprudence des Tribunaux civils apporte des précisions éclairantes, quant aux obligations du Professionnel bancaire en regroupement de crédits. Notamment : elle pose que celui-ci n’a pas d’obligation de « mise en garde » en regroupement de crédits (Cour de cassation, avril 2017, principe repris par de nombreux arrêts de Cours d’appel). L’Intermédiaire en opérations de banque étant clairement, dispensé de toute obligation de conseil (celle-ci ne s’applique qu’aux Courtier-IOBSP et à ses préposés), l’absence d’obligation de mise en garde en regroupement de crédits allège considérablement les obligations de l’Intermédiaire bancaire qui agit dans ce domaine.
Récemment (février 2024), une Cour d’appel relève que « dans le cadre d’une demande de regroupement de crédit[s], [la banque et l’IOBSP] n’avaient pas à analyser les aides financières auxquelles l’emprunteuse auraient pu prétendre. » Une demande qui n’est donc pas formulée par le Client ne fait pas partie des analyses dues par l’intermédiaire bancaire en regroupement de crédits.
Une question (délicate) reste en suspens : l’IOBSP est-il tenu de minimiser le coût du regroupement de crédits ? d’en proposer plusieurs formules ? non, en l’état du droit et de la pratique. Le coût supplémentaire de l’endettement restructuré, source de la respiration financière procurée par la baisse de la charge de remboursement, doit être présenté très clairement au Client.
Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :
- Vérifier que le schéma contractuel utilisé en regroupement de crédits traite tous les thèmes de Conformité précisément prévus par le Loi ou par le Jurisprudence,
- Délivrer, en particulier, les informations de présentation des Intermédiaires et celles relatives à la rémunération avec la plus grande clarté,
- Collecter de manière formalisée (écrite, avec la validation du Client) les souhaits et les objectifs que celui-ci souhaite atteindre, dans l’opération de regroupement de crédits, y compris pour des postes précis (demande d’un « volant de trésorerie » pour mieux rétablir une situation financière déséquilibrée, par exemple),
- Veiller à la bonne remise des fiches légales standardisées d’information, prévues par le Code de la consommation et produites par le prêteur, car celles-ci procurent une excellente information au Client,
- Rappeler, dans la documentation juridique utilisée commercialement, la règle jurisprudentielle excluant le regroupement de crédits de toute obligation de mise en garde,
- Assurer une information très claire, quant au coût financier du regroupement de crédits.
| En bref :Communiqué de presse de l’ACPR, du 16 mai 2023 (lien inséré activable : https://acpr.banque-france.fr/sites/default/files/medias/documents/20230516_cp_acpr_regroupement_de_credits.pdf)Analyse de la communication de l’ACPR du 5 décembre 2022 (lien inséré activable : https://endroit-avocat.fr/quand-lacpr-controle-les-iobsp-sur-la-base-dinterpretations-juridiques/)Analyse, partie 1 : https://endroit-avocat.fr/wp-content/uploads/2022/12/EA-RAC-ACPR-Conv.-05-12-2022-Partie-1.pdfAnalyse, partie 2 : https://endroit-avocat.fr/wp-content/uploads/2022/12/EA-RAC-ACPR-Conv.-05-12-2022-Partie-2.pdfCour de cassation, Com. du 17 avril 2019, n°18-11895Cour d’appel de Bordeaux, du 19 février 2024, n°21/04223. |

