Portabilité des prêts immobiliers : Tournant pour le marché du crédit ?

Chez les députés Renaissance, les propositions de loi fusent pour tenter de revitaliser le marché immobilier. 

La plus récente, portée par Damien Adam, plaide pour rendre obligatoire la portabilité d’un emprunt immobilier. 

Mais de quoi s’agit-il exactement ? 

Citons la proposition de Damien Adam déposée à l’Assemblée Nationale : Afin d’agir contre le blocage du marché de l’immobilier et de simplifier les procédures, la solution soutenue par cette proposition de loi revient à généraliser la clause dite de “portabilité” du prêt immobilier. Aujourd’hui facultative, cette clause peut être introduite dans l’offre de prêt immobilier afin de permettre le maintien des conditions du prêt lors de l’achat d’un nouveau bien après la vente du précédent. Ainsi, la portabilité permettrait aux propriétaires qui souhaitent acquérir un nouveau bien de continuer à utiliser le crédit contracté lors de l’achat de leur propriété actuelle si c’est leur volonté, plutôt que de devoir en premier lieu rembourser leur crédit initial, puis en contracter un nouveau.”

En clair, la portabilité permettrait aux propriétaires de transférer leur crédit et les conditions négociées sur un second achat, sans devoir rembourser leur prêt initial pour en contracter un nouveau aux conditions actuelles, souvent moins favorables.

L’idée est simple ! Vous avez un crédit à la banque, mais vous souhaitez déménager et les taux actuels vous freinent,  avec cette mesure, vous pourrez transférer votre prêt sans besoin de le clôturer et d’en ouvrir un nouveau aux conditions actuelles moins avantageuses car, il faut le dire, malgré cette baisse des taux observé depuis janvier, on reste loin de ceux d’il y a quelques années, sous l’effet des politiques de taux bas de la Banque Centrale Européenne (BCE). 

Cette proposition semble donc séduisante pour les propriétaires bénéficiant de taux réduits et pourrait effectivement relancer le marché immobilier.

Mais est-ce vraiment une bonne idée ? 

Si cette mesure semble avantageuse pour les emprunteurs, elle pourrait bien chambouler les stratégies des établissements financiers.

Au cœur du débat, le coût d’opportunité se profile comme le principal enjeu. En effet, en permettant aux clients de conserver leurs taux avantageux d’antan, les banques se privent potentiellement de revenus plus juteux sur de nouveaux prêts constituant ainsi un manque à gagner qui, s’il n’est pas immédiat, pourrait peser sur les bilans à long terme et face à ce défi, ils devront probablement revoir leurs stratégies de tarification donc, probablement augmenter leurs taux d’intérêt, désavantageant ainsi tout le monde, y compris ceux qui souhaitent racheter ou accéder pour la première fois à la propriété, cette mesure présente dans ce cas des risques.

De plus, la portabilité peut aussi sonner le glas  pour les intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP), notamment ceux spécialisés dans le rachat et la renégociation de prêts car ,  si les emprunteurs peuvent aisément transférer leurs prêts existants à des taux avantageux, le besoin de renégociation ou de rachat risque de s’effondrer, entraînant une baisse significative des commissions pour ces professionnels. Face à cette perspective, les IOBSP se trouvent à la croisée des chemins : diversifier leurs services, repenser leur modèle économique ou risquer de disparaître, sans parler de la concurrence accrue des banques, qui pourraient proposer directement la portabilité à leurs clients.

En attente d’être débattu initialement en septembre prochain à l’Assemblée Nationale Damien Adam soutenait que cette mesure serait un  “gagnant-gagnant” et s’il reconnaît qu’on peut s’attendre à une certaine réticence de la part des acteurs bancaires  car cette mesure engendrerait pour eux des moins-values potentielles pour le futur. 

Selon lui , les acteurs financiers  devraient toutefois se rendre compte que le marché immobilier est totalement saturé et que cela limite le nombre de crédits qu’elles octroient. Ainsi, si elles laissaient cette portabilité dans les contrats, les citoyens pourraient être amenés à faire des prêts complémentaires à ceux qu’ils ont déjà car s’ils achètent un bien un peu plus cher, il faut compléter le surcoût du nouveau logement avec un nouveau crédit complémentaire.

Il faut donc comprendre que la proposition du député Damien Adam ne fait pas l’unanimité auprès des banques? 

Pour l’instant, la dissolution de l’Assemblée nationale a jeté un voile d’incertitude sur l’avenir de la proposition de loi. 

Ce projet, ayant suscité de vifs débats dans le secteur, se trouve désormais dans les limbes législatives ,son sort dépendra de la nouvelle configuration politique et des priorités qui émergeront après les élections. Cette pause forcée pourrait s’étendre sur plusieurs mois, le temps que la nouvelle Assemblée s’installe et reprenne ses travaux.

En tout cas, La Fédération bancaire française (FBF) avertit des risques: “Depuis quelque temps circulent les idées de portabilité et de transférabilité des prêts, qui ne sont pas nouvelles, et comportent plus d’inconvénients que d’avantages au-delà de la lourdeur et complexité particulières de leur éventuelle mise en place. 

Elles pourraient surtout remettre en cause ce que sont les atouts protecteurs pour les ménages du modèle français de financement du logement contraire à        l’objectif recherché.”

Face à tout cela devrions nous être inquiet ou nous réjouir ? La réponse reste en suspens.

Une chose est sûre,si la portabilité des prêts immobiliers voit le jour, elle marquera un tournant significatif dans les relations entre emprunteurs et prêteurs. 

Reste à voir si ce virage sera aussi positif que certains l’espèrent ou négatif comme d’autres le craignent.

Charles Hubert MEYERGUE 

Juriste junior 

IEPB

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