Jérôme Cusanno : Un parcours aux mille facettes.

En cette fin d’année, j’ai eu l’idée d’interviewer Jérôme Cusanno, une figure incontournable que j’ai rencontrée en 2008 lors de son arrivée à l’AFIB en tant qu’administrateur. Reconnu pour ses conseils avisés, son altruisme et son professionnalisme, Jérôme incarne une véritable source d’inspiration.

“Un parcours aux mille facettes”

C’est avec modestie, mais une mémoire précise, que Jérôme entame son récit. “je suis né près de Genève, et j’y avais de la famille, dont un oncle, qui était comme on le dit “frontalier”. Cela m’a sensibilisé très tôt aux questions économiques et fiscales”, raconte-t-il. Ce contexte familial et régional l’amène à se pencher sur une thèse universitaire consacrée à l’imposition transfrontalière des revenus.

“À cette époque, en 1999, je découvre un phénomène intéressant: l’endettement croissant des ménages français. C’était une révélation.” Jérôme découvre alors le


 1association française des intermédiaires en bancassurance www.afib-bancassurance.fr

regroupement de crédits, un marché en pleine émergence. Marie-Hélène, sa mère a joué un rôle direct dans cette découverte car à travers son vaste réseau professionnel, elle connaissait un expert du regroupement de crédits qui lui a proposé de devenir indicatrice d’affaires. “Une simple discussion a bouleversé ma trajectoire.”

“En parallèle de mes recherches universitaires, je travaillais pour une mutuelle étudiante, la SMERRA. C’était mon premier contact avec le secteur de l’assurance. J’ai appris les bases de l’IARD et de l’assurance de personnes : santé, multirisque habitation, responsabilité civile… Un bagage qui allait se révéler essentiel.”

En 2001, Jérôme propose à sa mère de transformer son activité naissante en véritable cabinet de courtage. “Grâce à mes études de droit, j’ai pu structurer ce projet. Notre premier grand succès fut un mandat avec la Royal Saint George Banque. Ce fut une étape décisive et la rencontre avec Stéphane ARNAUDET dans le salon d’un hôtel Mercure de Lyon, puis une formation et un suivi avec Mme HOYET. C’était, encore, la belle époque. Quel accompagnement ! Quelle bienveillance ! Je les en remercie encore”, dit-il. 

Jérôme, alors jeune diplômé, se consacre avant tout au conseil juridique. “Je me souviens d’une anecdote amusante avec une cliente qui n’avait pas compris le terme ‘sûretés’, le lisant comme ‘surette’. Ce genre de quiproquos nous rapproche des gens.” Il n’était pas encore question de devenir intermédiaire. Pendant sa thèse, il assurait quelques heures de vacations à l’université, et il décrocha un poste de chargé du développement de la SMERRA où il apprit le recrutement, les tableurs Excel, et, ajoute-t-il devint formateur pour les nouvelles recrues. 

Il poursuit : “En 2003, sur les conseils de Stéphane ARNAUDET de la Royal Saint George Banque, j’ai ajouté une corde à notre arc en devenant courtier en assurance. Mais j’assurais en même temps des heures de cours à Grenoble Ecole de Management où j’enseignais le droit des affaires, le droit commercial et le droit des contrats.” 

Avec cette expertise, Jérôme et Marie-Hélène diversifient leur activité. En 2005, il entre dans la société familiale et ouvre plusieurs agences spécialisées dans le regroupement de crédits à Valence, Lyon, Dijon et Grenoble. Sa sœur, Carole, les rejoint. Mais le succès s’accompagne de défis. Il avait pour objectif de développer


 2 société mutualiste des étudiants de la région Rhône Alpes et Auvergne.

un réseau de mandataires, mais ce projet a rapidement été freiné par des contraintes juridiques et un manque de maturité de sa part sur certains aspects, dit-il. GE Money Bank, partenaire historique, après le rachat de la Royal Saint George Banque, nous dit que nous ne pouvions pas avoir de mandataires et qu’ils envisageaient de rompre notre convention si nous continuions dans cette voie !” 

“J’ai donc choisi d’y renoncer pour éviter les complications. Quelle naïveté quand on connaît la structure du marché aujourd’hui !”

En 2008, à la demande du président de l’époque, Jérôme rejoint l’AFIB. “Cette expérience a été structurante. J’ai créé un service juridique, rédigé le premier règlement intérieur de cette association et travaillé sur la réglementation d’un secteur encore flou.” Quelques années plus tard, en 2010, il propose au conseil d’administration, qui le suit, la candidature de l’AFIB au BIPAR, la Fédération européenne du courtage. “Ce fut un grand honneur d’apporter ma contribution à cette

reconnaissance du courtage français au niveau européen. Cela m’a permis d’être au cœur des enjeux supra-nationaux de notre métier. Car tout se décide à Bruxelles.”

Pendant ces années, il conjugue ses responsabilités associatives avec la gestion de son entreprise familiale. La crise des subprimes frappe durement en 2009. “Ce fut ma première vraie crise en tant que chef d’entreprise. Je n’oublierai jamais ce dernier trimestre sans quasiment aucun crédit accepté. Nous avons fermé plusieurs agences, mais j’ai tenu bon.

En 2015, un nouveau chapitre s’ouvre avec la création de l’IEPB, son centre de formation. “Tout a commencé par une demande du Crédit Agricole pour former un centre d’appels à Casablanca. J’ai conçu les supports pédagogiques en un été. Une période intense, mais passionnante.” L’AFIB a été intéressée par la formation initiale des IOBSP afin de la rendre plus accessible, tout en sachant que des formations annuelles obligatoires arrivaient de par la directive sur le crédit immobilier. La formation de niveau 1 pour devenir IOBSP se négociait 3 000 €. L’AFIB m’a demandé de trouver une solution moins onéreuse et nous avons démarré à 550 €, détaille-t-il.

Il explique : “Je voulais offrir plus qu’un simple respect des obligations réglementaires. Mes formations sont conçues comme un avantage compétitif. La transmission est au cœur de mon engagement.” Aujourd’hui, l’IEPB accompagne des professionnels à travers la France et au-delà, toujours avec la même exigence.

Lorsque la discussion s’oriente vers les enjeux actuels du courtage, Jérôme dévoile une pensée critique et structurée. Sur le taux d’usure, il estime que “la Banque de France applique la loi, mais le véritable levier est politique. Réformer ou supprimer le taux d’usure demande un débat politique et idéologique de fond.” Il faut un nouveau texte de Loi. Donc taper sur la Banque de France n’apportera aucune solution directe. Il faut s’adresser aux députés ou au gouvernement. 

Concernant le Haut Conseil de Stabilité Financière, il déplore un manque de pédagogie : “Les décisions visent à stabiliser l’immobilier, mais elles sont mal comprises. Les critères qu’il impose visent principalement à protéger les prix de l’immobilier d’une baisse significative mais il faut mieux expliquer leurs impacts.”.


3 l’Institut d’Etudes Professionnelles en Bancassurance

Cette approche a du sens, car elle contribue à maintenir une stabilité économique, bien qu’elle soit parfois mal comprise par les acteurs du marché. Je ne peux pas me résoudre à l’idée que cette administration soit peuplée d’ignorants. 

Il se montre également réservé sur certaines évolutions législatives. “La possibilité pour les IOBSP de se former entre eux est une incohérence. Cela ne sert ni la qualité ni la professionnalisation du secteur.”

Il déplore l’attitude des associations professionnelles agréées par l’ACPR (APA)  qu’il trouve fermées. Jérôme a créé une association d’organismes de formation qui lui ressemblent, et ensemble ont tenté une approche des APA notamment en ce qui concerne les questions de formation des IOBSP. Mais le mépris reste de mise. Les APA font leur petit marché avec des “partenaires” choisis à la russe et tout le monde, ACPR compris, semble trouver cela bien. C’est assez dur à admettre quand on est juriste. 

“Si je devais donner un conseil à ceux qui veulent se lancer, ce serait de se former sérieusement et de commencer comme MIOB, sous la supervision d’un professionnel. Les compétences techniques sont fondamentales, mais il faut aussi sortir de sa zone de confort. Avoir un an de salaire devant soi, investir dans le digital et se démarquer des agences bancaires classiques car l’écoute et la disponibilité sont indispensables.”

Il ajoute : “La clé, c’est l’écoute et la personnalisation. Ce métier est exigeant, mais incroyablement enrichissant.”

Jérôme anticipe des transformations majeures dans le courtage. “L’intelligence artificielle, la digitalisation, et la baisse de fréquentation des agences bancaires vont redéfinir notre métier. Je vois un avenir où les IOBSP remplaceront les agences salariées, comme en Belgique ou en Autriche. Ce modèle est plus adapté aux besoins modernes.”

Mais il reste prudent face aux défis politiques et économiques. “L’instabilité gouvernementale en France impactera l’économie. Cependant, le regroupement de crédits sera un secteur porteur, notamment face à l’endettement des ménages.”

En conclusion, Jérôme se révèle comme un bâtisseur infatigable, animé par une passion pour son métier et une vision claire de l’avenir. Son parcours, riche en apprentissages et en innovations, inspire non seulement les professionnels du courtage, mais aussi ceux qui croient au pouvoir de la formation et de l’engagement collectif.

Propos recueillis par Isabelle Loustau-Carrère 

LCG Financement – Bordeaux

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