Devoir de conseil en assurance : l’ACPR étend ses exigences à tous les produits

(et ce que cela change pour l’assurance emprunteur)

Un cadre renforcé pour tous les contrats d’assurance

Le 21 novembre 2024, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a adopté la recommandation 2024-R-03 sur le recueil des informations relatives au client et l’exercice du devoir de conseil. Publiée en septembre 2025, elle entrera pleinement en vigueur le 31 décembre 2025

Cette révision marque un tournant : alors que la précédente version visait essentiellement l’assurance-vie, la nouvelle recommandation s’applique désormais à l’ensemble des produits d’assurance – dommages, prévoyance, assurances affinitaires, mais aussi assurance emprunteur, au cœur des préoccupations des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP).

L’ACPR fixe quatre objectifs :

  1. Accompagner la Place avec l’entrée en vigueur de la loi Industrie verte.
  2. Intégrer les préférences de durabilité dans le conseil en assurance-vie.
  3. Tirer les leçons des pratiques observées, notamment pour éviter les doublons de couverture.
  4. Étendre la logique du conseil à tous les produits d’assurance

Jusqu’ici, le devoir de conseil en assurance emprunteur était souvent abordé par ricochet, à travers les obligations générales des intermédiaires ou la jurisprudence sur la distribution. La recommandation 2024-R-03 change la donne : elle inclut explicitement l’assurance emprunteur dans le champ du conseil obligatoire et personnalisé.

Concrètement, l’ACPR attend des distributeurs qu’ils :

  • vérifient la cohérence entre le profil du client et les garanties souscrites (perte d’emploi, invalidité, ITT, décès) ;
  • s’assurent que la couverture reste adaptée tout au long du prêt immobilier, et pas seulement lors de la souscription ;
  • préviennent les doublons de couverture, fréquents avec des contrats prévoyance déjà existants ;
  • expliquent clairement les exclusions de garantie, source majeure de litiges.

Depuis la loi Hamon et la loi Lemoine, la substitution d’assurance emprunteur est facilitée. Mais l’ACPR rappelle que changer de contrat ne doit pas appauvrir le client. L’intermédiaire doit vérifier que la nouvelle police n’entraîne pas une perte de garanties essentielles et justifier son conseil, documents à l’appui.
Cela rejoint une exigence déjà connue des IOBSP : la traçabilité du conseil. L’ACPR demande que les préconisations soient motivées, pédagogiques, et archivées en cas de contrôle

La recommandation suppose de nouvelles compétences :

  • savoir interroger le client sur ses besoins présents et futurs (par ex. évolution de situation professionnelle, santé, âge en fin de prêt) ;
  • maîtriser les critères de comparabilité imposés par la réglementation en matière d’assurance emprunteur ;
  • comprendre l’impact de la durabilité même pour des produits a priori éloignés de l’ESG, car l’ACPR pousse à interroger systématiquement les clients sur leurs préférences extra-financières

Les courtiers devront probablement adapter leurs outils CRM et leurs questionnaires de découverte client pour :

  • intégrer les préférences en matière de durabilité ;
  • détecter automatiquement les doublons de garanties ;
  • prévoir des revues périodiques de contrat.

Beaucoup de courtiers se heurtent encore à des refus bancaires lorsqu’ils présentent une assurance emprunteur alternative. La recommandation de l’ACPR peut être mobilisée comme levier de négociation : en exigeant un conseil renforcé, elle conforte le rôle du courtier dans la défense des intérêts du client.

Cette révision française s’inscrit dans une dynamique plus large :

  • L’EIOPA (autorité européenne) publie des orientations sur la prise en compte des préférences de durabilité
  • Le débat sur la valeur pour le client (value for money) irrigue toutes les discussions sur les frais, la transparence et la qualité du conseil.
  • À terme, le devoir de conseil en assurance pourrait tendre vers un alignement avec les standards de la directive MIFID II dans l’investissement.

L’extension du devoir de conseil peut apparaître comme une contrainte supplémentaire. Mais pour les courtiers en crédit, c’est aussi une opportunité :

  • de valoriser leur expertise par rapport aux distributeurs bancaires, parfois accusés de vendre des contrats standardisés ;
  • de fidéliser les clients grâce à un suivi tout au long de la vie du prêt ;
  • de se positionner comme de véritables conseillers de confiance, capables de naviguer entre droit, technique et pédagogie.

La recommandation de l’ACPR consacre une idée simple : l’assurance n’est pas un produit accessoire, mais un engagement de long terme qui mérite un conseil éclairé et suivi.
Pour les IOBSP spécialisés dans le crédit immobilier, le message est clair : le devoir de conseil ne s’arrête plus à la signature du prêt. Il faudra accompagner l’emprunteur tout au long de sa vie financière.
À l’heure où la qualité du conseil devient un critère central de régulation, les courtiers disposent d’une arme redoutable : leur proximité avec le client et leur capacité à transformer une obligation réglementaire en avantage concurrentiel.

Jérôme CUSANNO

Directeur de l’iepb

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