Les années passent, mais les arnaques financières, elles, prospèrent. Depuis plusieurs décennies, ce phénomène ne cesse de croître, malgré les efforts des autorités pour enrayer cette hémorragie économique. Récemment, le Parquet de Paris, l’AMF1, l’ACPR2
1Autorité des Marchés Financiers
2Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution
et la DGCCRF3 on1t dressé un bilan glaçant : Les escrocs redoublent d’ingéniosité, les victimes se multiplient et les pertes atteignent des sommets.
Retour sur une Escalade Ininterrompue
Avant 2020 : Les prémices d’un fléau global. Les premières grandes vagues
3Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes
d’arnaques financières ciblaient principalement les épargnants via des promesses de crédits faciles ou de placements “sécurisés”.
Ces opérations frauduleuses semblaient relativement limitées, mais elles posaient déjà les bases des méthodes modernes : usurpation d’identité, pression psychologique et multiplication des supports frauduleux.
2020-2022 : Une digitalisation accélérée.
Avec la pandémie et l’essor des plateformes numériques, les escrocs ont su profiter de la digitalisation forcée. Des sites frauduleux, des publicités sur les réseaux sociaux et des fausses applications financières ont envahi le quotidien des particuliers.
Les pertes cumulées atteignent plusieurs centaines de millions d’euros, et les crypto-actifs commencent à émerger comme une cible privilégiée pour les arnaques.
2023-2024 : L’apogée des crypto-escroqueries.
Depuis le second semestre 2023, les arnaques liées aux crypto-actifs explosent.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : une perte moyenne de
29 000 euros par victime, selon l’AMF, contre 69 000 euros pour les faux livrets d’épargne. La sophistication des escrocs atteint de nouveaux sommets avec l’utilisation de vidéos truquées et de deepfakes4 impliquant
une technique de manipulation multimédia qui utilise l’intelligence artificielle pour créer ou modifier des contenus audio, vidéo ou visuels d’une manière qui
des célébrités pour promouvoir de fausses opportunités.
Aujourd’hui, près de 3,2 % des Français déclarent avoir été victimes d’arnaques financières, un chiffre qui a presque triplé depuis 2021 (1,2 %). Cette tendance alarmante touche particulièrement les jeunes hommes de moins de 35 ans, séduits par des promesses de gains rapides et relayées sur les réseaux sociaux.
Le Point des Autorités : Une Mobilisation Active
Face à cette montée en puissance, les autorités intensifient leurs efforts :
Depuis 2022, l’AMF et l’ACPR ont inscrit près de 5 000 acteurs ou offres non autorisés sur leurs listes noires.
En 2024, le Parquet de Paris a saisi 268 millions d’euros d’avoirs criminels, en grande partie liés à des enquêtes d’envergure comme celles sur OMEGA PRO ou JUICY FIELDS.5
rend difficile la distinction entre le vrai et le faux. deux plateformes d’investissement qui ont suscité des préoccupations majeures en raison de leur association avec des
Les réseaux sociaux, principaux vecteurs des fraudes, sont au cœur des campagnes de sensibilisation avec des vidéos et messages adaptés aux 18-35 ans.
Mais malgré ces efforts, les escrocs innovent plus vite que les législations.
Pire encore, une nouvelle tendance, appelée “fraude au carré”, consiste à exploiter des victimes déjà arnaquées en leur promettant une récupération de leurs fonds… moyennant des frais supplémentaires.
En tant qu’observateur du secteur financier, il est difficile de ne pas ressentir une profonde inquiétude face à cette escalade. Comment expliquer que malgré les listes noires, les campagnes de sensibilisation et les saisies massives, les arnaques continuent de proliférer ? La réponse est peut-être plus sombre qu’il n’y paraît : c’est dans les failles de nos systèmes et dans notre propre nature humaine que les escrocs trouvent leur carburant.
Pour les IOBSP, la prise de conscience est cruciale.
pratiques financières douteuses et des accusations d’escroquerie
Vous êtes souvent la première ligne de défense pour vos clients, ceux qui s’interrogent sur la fiabilité d’un placement ou d’une offre.
Si votre rôle est technique, il est aussi moral : la pédagogie et la prévention doivent devenir des piliers de votre activité.
Informer un client, c’est lui éviter des drames financiers, parfois irréversibles.
Et si nous osions aller plus loin ?
Si nous faisions du “NON” une preuve de professionnalisme, en refusant de cautionner des produits douteux ou des pratiques ambiguës ?
Car en fin de compte, ce qui distingue un conseiller d’un simple vendeur, c’est la capacité à agir dans l’intérêt supérieur du client, même quand cela semble aller à l’encontre de ses désirs immédiats.
Alors que les autorités redoublent d’efforts pour réprimer les fraudeurs, il devient évident qu’aucune mesure coercitive ne pourra venir à bout de ce fléau sans une véritable éducation financière.
En tant qu’IOBSP, il faut se former, informer vos clients, et être des remparts contre les
promesses trop belles pour être vraies.
L’avenir du secteur financier dépendra autant de l’innovation technologique que de l’habileté des professionnels à bâtir un environnement où la confiance règne.
Et si la véritable révolution dans la lutte contre les arnaques consistait à éduquer la prochaine génération ?
Charles MEYERGUE
juriste à l’IEPB