Statut du bailleur privé : une opportunité à anticiper pour les courtiers en crédit immobilier

Après le Pinel, un vide à combler

Depuis la disparition du dispositif Pinel au 31 décembre 2024, le marché de l’investissement locatif s’est littéralement effondré. Les chiffres sont sans appel : la Fédération des Promoteurs Immobiliers évalue la chute des ventes à investisseurs de plus de 60 000 à moins de 10 000 unités en un an.

Dans un contexte où la production de logements neufs recule, où la rénovation de l’ancien se heurte aux contraintes énergétiques, et où la fiscalité foncière s’alourdit, la confiance des bailleurs privés a disparu.

C’est dans cette urgence que Vincent Jeanbrun, nouveau ministre de la Ville et du Logement, a annoncé la création prochaine d’un statut du bailleur privé. Objectif : redonner envie d’investir en rétablissant un équilibre entre rentabilité et utilité sociale, sans replonger dans les effets d’aubaine de l’ancien Pinel.

Le projet Jeanbrun : un amortissement fiscal et une visibilité de long terme

Le dispositif, présenté comme un « levier gagnant-gagnant », devrait être intégré au projet de loi de finances pour 2026. Il offrirait aux propriétaires bailleurs individuels la possibilité d’amortir fiscalement leur bien sur la durée de détention, à condition de le louer nu pendant au moins neuf ans.

L’idée est simple : permettre de déduire chaque année un pourcentage du prix d’achat (de 2 % à 5 % selon les cas), comme le font les entreprises pour leurs immobilisations. En contrepartie, l’investisseur s’engage sur la durée et sur un niveau de loyers raisonnable.

Deux axes renforcent l’intérêt du dispositif :

  • L’incitation à la rénovation énergétique : le taux d’amortissement ou le plafond de déficit foncier serait doublé pour les logements rénovés afin d’améliorer leur DPE.
  • La simplification fiscale : un cadre unique, lisible et stable pour remplacer la mosaïque actuelle (Pinel, Denormandie, Loc’Avantages…).

Vincent Jeanbrun parle d’un « dispositif prévisible, attractif et équitable ». Derrière cette formule se profile la volonté de reconstruire une relation de confiance durable avec les bailleurs privés, acteurs essentiels du marché locatif.

Pour les courtiers : un signal fort à capter dès maintenant

Les IOBSP et leurs mandataires sont aux premières loges de ce redémarrage annoncé. Car ce futur cadre fiscal ne sera pas seulement un avantage pour les investisseurs ; il sera un déclencheur d’intentions d’achat et donc de nouveaux besoins de financement.

a) Anticiper le retour de la clientèle investisseur

Dès que les contours du dispositif seront clarifiés, des milliers de particuliers chercheront à profiter de l’amortissement fiscal. Les courtiers devront être prêts à répondre : simulation d’effort d’épargne, analyse de rentabilité, combinaison crédit + travaux, comparaison neuf / ancien rénové.

Message-clé à intégrer dès aujourd’hui : « L’investissement locatif redevient possible. Préparez-vous avant 2026. »

b) Reprendre la parole sur la fiscalité immobilière

Ce dispositif donne aux courtiers une occasion rare de reprendre la main sur la pédagogie fiscale. Sans se substituer à un conseiller en gestion de patrimoine, l’IOBSP peut vulgariser le mécanisme d’amortissement, montrer son effet sur la trésorerie, et rappeler les règles d’équilibre entre loyers, crédit et fiscalité.

c) Se positionner sur les prêts travaux et la rénovation énergétique

Le volet « ancien rénové » du dispositif est un tremplin pour développer l’activité financement des travaux : crédit global, prêt relais + travaux, solutions éco-PTZ couplées. Les courtiers qui sauront créer des partenariats avec des entreprises RGE ou des architectes auront une longueur d’avance.

Nouvelle compétence à valoriser : savoir chiffrer la rentabilité nette d’un projet ancien rénové intégrant l’avantage fiscal et la valorisation énergétique.

d) Diversifier les offres de services des MIOB

Les mandataires indépendants peuvent adapter leur argumentaire commercial autour de trois piliers :

  1. Rentabilité locative : modéliser l’effort d’épargne et la défiscalisation.
  2. Pérennité : présenter le dispositif comme un engagement long, rassurant pour les banques.
  3. Responsabilité : rappeler que le futur bailleur devient acteur de la rénovation du parc.

Les opportunités de marché à saisir

a) Relancer le financement locatif individuel

Les banques devraient rouvrir leurs grilles d’investissement locatif, aujourd’hui très resserrées. Avec un cadre fiscal clair et une demande locative soutenue, le risque perçu par les établissements baisse. Le courtier pourra donc négocier de meilleures conditions, notamment sur les durées longues (25 à 27 ans).

b) Stimuler les marchés secondaires

L’ancien à rénover, souvent délaissé, va retrouver de l’attractivité. Cela va générer un flux de dossiers combinant achat + rénovation, souvent plus complexes à monter : un terrain idéal pour le courtier expérimenté.

c) Valoriser la compétence conseil

Dans un contexte où la concurrence par les taux s’estompe, le conseil global devient la valeur ajoutée du courtier : accompagnement fiscal, énergétique et patrimonial. C’est l’occasion de rappeler que l’IOBSP n’est pas un simple distributeur de crédit, mais un acteur stratégique du financement immobilier.

Se tenir prêt : quatre chantiers à engager dès maintenant

  1. Former les équipes : comprendre les principes d’amortissement, de déficit foncier et de location nue pour vulgariser le futur dispositif.
  2. Adapter les simulateurs : intégrer les hypothèses d’amortissement fiscal dans les calculs de rentabilité et d’effort d’épargne.
  3. Préparer la communication : fiches explicatives, posts, vidéos courtes, webinaires ; la pédagogie sera un levier de visibilité sur les réseaux.
  4. Tisser des partenariats : promoteurs, agents immobiliers, entreprises de rénovation, conseillers en gestion de patrimoine ; un réseau élargi pour mutualiser les prospects.

Un tournant à ne pas manquer

La création du « statut du bailleur privé » est plus qu’un amendement fiscal : c’est une tentative de reconstruire un pont entre l’État, les investisseurs et les territoires. Si le dispositif tient ses promesses, il replacera le bailleur individuel au cœur de la relance du logement.

Pour les courtiers, c’est le moment de préparer la vague, pas de l’attendre. Les dossiers qui se signeront en 2026 se construisent dès maintenant, avec les bons arguments et la bonne pédagogie.

En résumé :

  • Le dispositif Jeanbrun vise à amortir fiscalement les biens loués neufs ou rénovés dès 2026.
  • Il redonne de la visibilité à l’investissement locatif privé.
  • Les courtiers doivent s’y préparer : formation, outils, communication, partenariats.
  • L’opportunité n’est pas seulement économique ; elle est aussi symbolique : celle de redevenir un acteur clé de la relance du logement.

Charles-Hubert MEYERGUÉ

Juriste à l’iepb

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