Le 27 novembre 2024, la Cour de Cassation a rendu une décision intéressante dans le cadre de la preuve en droit des affaires (n° 23-10.433). Cet arrêt rappelle l’importance de ménager des preuves dans les relations commerciales et clarifie les contours de l’application de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539.
Dans cette affaire, les associés d’une entreprise de courtage d’assurance avaient organisé une cession temporaire d’actions en avril 2014 pour apaiser des tensions avec une entreprise d’assurance anglaise. Cependant, des conflits internes entre les associés ont éclaté par la suite, conduisant les cédants à demander l’annulation de la cession et l’attribution de dividendes. La Cour d’Appel d’Angers a rejeté leurs demandes en novembre 2022, et la Cour de Cassation a confirmé cette décision.
Un point central de l’affaire concernait une preuve sous la forme d’un courrier électronique rédigé en anglais. Les cédants soutenaient que le juge ne pouvait pas se fonder sur un document rédigé en langue étrangère, invoquant l’article 111 de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts. Cependant, la Cour de cassation a précisé que cette ordonnance ne s’applique qu’aux actes de procédure et non aux preuves produites par les parties. Ainsi, le juge est en droit de retenir un document écrit en langue étrangère, à condition d’en comprendre le sens.
Le rôle de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts dans les preuves
L’Ordonnance de Villers-Cotterêts, bien que datant de 1539, est toujours invoquée dans les débats juridiques contemporains. Elle impose que les actes de procédure soient rédigés en français. Toutefois, comme le rappelle la Cour de cassation, cette exigence ne s’étend pas aux éléments de preuve. Cela souligne la souplesse du droit français face aux réalités des relations commerciales internationales, où l’usage de langues étrangères est fréquent.
L’importance de la compréhension des preuves par le juge
La décision met également en lumière le rôle actif du juge dans l’appréciation des preuves. Si le juge est capable de comprendre un document en langue étrangère, celui-ci peut être valablement retenu comme preuve. Cela offre une sécurité juridique aux acteurs des affaires qui échangent souvent dans des langues autres que le français.
Conclusion
Cet arrêt est un rappel précieux pour les courtiers et les intermédiaires sur la nécessité de soigner la conservation et la présentation des preuves. La souplesse affichée par la Cour de cassation concernant les langues étrangères reflète une prise en compte des réalités internationales des affaires. Toutefois, il reste essentiel d’anticiper les éventuels litiges en veillant à la clarté et à la traçabilité des documents échangés.
Pour les professionnels du secteur, cette décision offre une occasion de revisiter leurs pratiques de gestion documentaire et de communication afin de garantir une sécurité juridique optimale dans leurs activités.
Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :
Les courtiers et intermédiaires en opérations bancaires peuvent tirer plusieurs enseignements de cet arrêt :
Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.
Laurent Denis, Avocat, pratique, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.
En bref :
- Cour de cassation, Com. du 27 novembre 2024, 23-10433.
- Ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539.