PCA & IOBSP : Un impératif stratégique en 2025

Le Plan de Continuité d’Activité (PCA) est un document permettant de maintenir les activités essentielles d’une entreprise en cas de crise majeure. 

S’il n’est pas explicitement imposé par la loi pour les IOBSP, le PCA s’inscrit de fait dans l’arsenal des bonnes pratiques attendues en matière de maîtrise des risques. L’article L.612-1 du Code monétaire et financier, en confiant à l’ACPR la mission de contrôler les pratiques des acteurs financiers, ouvre la voie à une interprétation large des obligations de prudence.

En complément, les guides de l’ACPR sur les risques opérationnels recommandent vivement la mise en place de dispositifs de continuité d’activité, notamment pour les structures exposées à des chaînes critiques de traitement.

Il est également pertinent de rappeler que la norme internationale ISO 22301 fournit un cadre de référence pour l’élaboration de plans de continuité d’activité. 

Cette norme peut servir de boussole aux IOBSP souhaitant structurer leur démarche avec rigueur.

De plus, plusieurs circulaires internes émanant de banques partenaires exigent désormais que les courtiers affiliés disposent d’un PCA formalisé. C’est donc à la fois une exigence de conformité implicite, une attente commerciale et un levier de professionnalisation.

Vulnérabilités accrues en 2025 : les nouveaux risques opérationnels

En 2025, les IOBSP évoluent dans un contexte dans lequel les crises ne sont plus des événements exceptionnels, mais des perturbations récurrentes.

Les cyberattaques sont devenues plus fréquentes et sophistiquées, ciblant particulièrement les systèmes d’information insuffisamment protégés.

La crise de cybersécurité de 2024 ayant touché les systèmes de courtage de la fintech October, bien que rapidement contenue, a démontré à quel point la résilience informatique conditionne la continuité d’activité.

October a publiquement communiqué sur son plan de rétablissement d’activé en 12h, permettant la reprise du traitement des dossiers clients. 

Cette réactivité fut saluée par les investisseurs, mais a aussi mis en lumière l’absence de plan clair dans d’autres structures comparables.

Cependant, les cyberattaques ne sont qu’un pan des menaces. 

Les catastrophes naturelles, comme les inondations en région PACA en 2023, ont mis à l’arrêt plusieurs agences de courtage pendant plusieurs jours. 

Des événements plus systémiques, comme les pandémies ou les crises énergétiques, doivent également être envisagés dans les scénarios de crise.

Face à chacun de ces risques, des mesures de réponse spécifiques doivent être envisagées : accord de repli avec un coworking partenaire en cas d’indisponibilité des locaux, rotation des équipes en télétravail en cas de grève ou de pandémie, ou encore déclenchement de messages automatisés pour informer les clients en cas de panne généralisée.

L’avènement du travail hybride complique également la gestion des activités sensibles. Les cabinets qui n’ont pas prévu d’accès distant sécurisé ou de redondance cloud s’exposent à des interruptions de service lors d’incidents logistiques ou techniques.

Les pratiques déjà en place : ce que font les grands noms du secteur.

Chez CAFPI, leader du courtage en France, le PCA fait partie intégrante de la gouvernance. 

Le groupe dispose d’un dispositif testé annuellement, intégrant des scénarios de crise cyber, de défaillance systémique et de crise sanitaire. 

Lors d’un audit interne en 2023, le groupe a mis en avant sa capacité à redéployer 80% de ses équipes en télétravail en moins de 24h.

D’autres réseaux comme Vousfinancer ont adopté une logique similaire en dotant leurs franchisés d’un kit PCA personnalisable.

Cette approche mutualisée permet aux plus petites structures d’accéder à un niveau de protection équivalent à celui des grandes enseignes.

Ces modèles prouvent que même les structures à taille humaine peuvent se doter de dispositifs robustes à condition d’intégrer la culture du risque dans leur stratégie globale.

Construire un PCA efficace : méthodologie et obstacles

Un PCA pertinent repose sur plusieurs piliers : la cartographie des activités critiques, l’identification des risques majeurs, la définition de scénarios de crise, la mise en place de mesures de réponse et la communication interne et externe. 

Chaque étape doit être réaliste et testée.

Il est essentiel d’impliquer les collaborateurs dans la démarche, par la formation et la sensibilisation régulière aux scénarios de crise. 

Un PCA ne vaut que par l’appropriation qu’en font les équipes.

Beaucoup de cabinets tombent dans le piège du PCA théorique : un document figé, générique, jamais révisé, rarement lu.

Or, le PCA est un outil opérationnel. Il doit être connu des équipes, accessible, adapté aux outils utilisés.

La communication de crise est aussi un enjeu stratégique. 

Il convient d’avoir prévu les messages à diffuser aux clients, aux partenaires, voire aux médias, afin de maîtriser la narration lors d’une situation d’urgence.

L’un des freins récurrents est le coût perçu de la mise en place d’un PCA. Pourtant, les solutions low-code, les outils collaboratifs (Notion, Trello), et les serveurs européens sécurisés permettent aujourd’hui de créer un dispositif simple, clair et peu onéreux. 

Ne rien faire revient en revanche à prendre un risque démesuré.

Un bon PCA est également un document vivant. Il doit être révisé à intervalles réguliers, au minimum une fois par an et à chaque événement significatif modifiant l’environnement technologique, réglementaire ou humain du cabinet.

Culture du risque et transformation du métier d’IOBSP.

Le PCA est souvent le miroir de la maturité organisationnelle d’un cabinet. 

Il révèle une vision du métier : celui qui anticipe les crises est celui qui respecte le plus ses clients. 

L’IOBSP de demain n’est pas seulement un technicien du financement, mais un chef d’orchestre de la sécurité juridique et numérique du parcours client.

Les réseaux qui intègrent la continuité d’activité dans leur identité de marque apparaissent plus crédibles aux yeux des banques et des assureurs. Ils gagnent également en compétitivité sur un marché où la rapidité de traitement devient un facteur de différenciation.

Le PCA n’est pas un luxe, c’est une clé de survie. Les IOBSP qui veulent durer doivent le penser non comme une contrainte, mais comme un pilier de leur stratégie. Ceux qui le négligent s’exposent à des interruptions coûteuses, des sanctions implicites de leurs partenaires, voire à une perte irrémédiable de crédibilité.

En 2025, le PCA est devenu une norme tacite de professionnalisme. Il s’agit non plus de réagir, mais d’anticiper. Et à ce jeu, les prévoyants prendront toujours une longueur d’avance.

                                                                             Charles-Hubert MEYERGUE

                                                                                      Juriste à l’IEPB

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