Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Pau le 26 mai 2025 (n° 24/00243) rappelle les obligations des prêteurs en matière de mise en garde, lorsque l’emprunteur présente un taux d’effort important dès l’octroi.
Faits de l’espèce
En septembre 2018, une banque a consenti trois prêts immobiliers à un unique emprunteur, pour un montant total d’environ 215 000 €. À ce moment, l’emprunteur supportait un taux d’effort de 59 %, largement supérieur aux seuils classiques (33 %).
Les impayés ont conduit à la déchéance du terme en juillet 2021, puis à l’assignation judiciaire en octobre 2021. Le tribunal judiciaire de Pau a rejeté les demandes de l’emprunteur en juillet 2023.
En appel, la banque a défendu sa position en produisant l’étude de solvabilité et en rappelant d’avoir respecté son devoir de mise en garde prévu par l’article L. 313-12 du Code de la consommation.
La mise en garde : définition, condition et matérialisation
Selon l’article L. 313-12 du Code de la consommation, le prêteur doit mettre en garde l’emprunteur lorsque, compte tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut lui poser des risques spécifiques.
La Cour d’appel a relevé que :
- l’octroi du prêt exposait l’emprunteur à un risque d’endettement excessif ;
- la banque avait correctement matérialisé cette mise en garde dans l’offre de prêt, par une clause alertant explicitement l’emprunteur sur un taux d’endettement supérieur à 33 % et sur sa capacité à honorer ses échéances.
Cette clause spécifique dans l’offre de prêt a été jugée suffisante pour satisfaire à l’obligation légale, démontrant ainsi la prestation effective de la mise en garde.
L’arrêt de la Cour d’appel de Pau rappelle en outre que, en présence d’un taux d’effort élevé, la mise en garde ne doit pas être une formalité. Elle doit être explicite, écrite, correctement documentée, et parfaitement conforme aux exigences légales.
À défaut, l’opération de prêt est vulnérable à un risque juridique important, tant pour le prêteur que pour ses partenaires intermédiaires.
Toutefois, la Cour a accepté que l’offre de prêt puisse pallier l’absence de fiche standardisée européenne (FISE). Or, dès lors que la remise de la FISE est obligatoire en vertu du droit applicable, c’est une erreur de droit de la part de la Cour de considérer qu’elle est facultative. La remise de la fiche FISE demeure impérative, sans exception.
Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :
- Analyse de solvabilité : les établissements bancaires sont tenus d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur de manière rigoureuse.
- Mise en garde obligatoire : dès que le taux d’effort dépasse le seuil de sécurité (généralement 33 %), une clause spécifique dans l’offre ou le contrat doit attirer l’attention de l’emprunteur.
- Forme et preuve : cette mise en garde doit être écrite, visible et bien signifiée, permettant de démontrer que l’emprunteur a été informé des risques.
- FISE toujours requise : même si la mise en garde est bien formulée, la remise de la fiche standardisée reste une obligation légale incontournable.
- Risque en cas d’absence : en l’absence de mise en garde ou de fiche FISE, la responsabilité de l’établissement prêteur est engagée en cas de difficulté financière de l’emprunteur.
En bref :Cour d’appel de Pau 26 mai 2025 (n°24/00243) Article L. 313-12 du Code de la consommation. |
Par : Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com) et Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr).
Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.
Laurent Denis, Avocat, exerce, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.
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