Litige de paiement du Courtier-IOBSPĀ : lutter contre la mauvaise foi des Clients.

Le Client (parfois) de mauvaise foi est (souvent) tentĆ© de profiter de la rĆØgle de diffĆ©rĆ© de rĆ©munĆ©ration (celle qui interdit ce paiement avant la mise Ć  disposition des fonds du crĆ©dit) pour contester le paiement de la totalitĆ© de cette rĆ©munĆ©ration. Motif invoquĆ© : le Client dĆ©loyal soutient avoir obtenu le prĆŖt par ses propres moyens, et non grĆ¢ce aux travaux rĆ©alisĆ©s par l’IOBSP. Sans commentaire. La Jurisprudence des Tribunaux civils est plutĆ“t protectrice de l’intermĆ©diaire bancaire, que du Client malhonnĆŖte. Cette protection fonctionne sous une condition : que l’IOBSP soit en mesure de prouver les actes effectivement rĆ©alisĆ©s pour le compte du Client. Une Ā« charge Ā» de preuve qui n’est pas nĆ©gligeable et que l’IOBSP doit insĆ©rer dans la pratique, s’il veut traiter efficacement ces situations dĆ©sagrĆ©ables.

L’usage malhonnĆŖte par le Client d’une rĆØgle inefficace de protection des Consommateurs, Ć  seule fin d’échapper Ć  la rĆ©munĆ©ration du Courtier.

Le Droit aime la hiĆ©rarchie, l’ordre, la verticalitĆ©. L’organisation judiciaire n’y Ć©chappe pas. Certes, les dĆ©cisions des Tribunaux judiciaires n’ont pas l’éclat des arrĆŖts de Cour de cassation ou mĆŖme, de ceux des Cours d’appel. Pourtant, le Tribunal judiciaire, premier Juge, reprĆ©sente le quotidien des justiciables. C’est ainsi que le Tribunal judiciaire de Meaux dĆ©savoue, en juin 2024, un Client refusant d’acquitter la rĆ©munĆ©ration due Ć  un courtier en crĆ©dit.

Usante rĆ©sistance, gorgĆ©e de mauvaise foi, de quelques Clients au paiement de la rĆ©munĆ©ration de l’IOBSP, notamment celle du Courtier en crĆ©dit immobilier. Car l’activitĆ© d’intermĆ©diation et de courtage en crĆ©dit est marquĆ©e par l’interdiction spĆ©cifique faite aux IntermĆ©diaires de percevoir Ā« une somme Ā» avant la mise Ć  disposition effective des fonds prĆŖtĆ©s Ā» (article L. 519-6 du Code monĆ©taire et financier). Cette rĆØgle dĆ©rogatoire n’offre en vĆ©ritĆ© aucune protection aux Consommateurs, comme le montre sans appel la fabuleuse prospĆ©ritĆ© des Ā« arnaques Ā» au crĆ©dit, qui ne cessent de fleurir. Hasard du calendrier : l’ACPR, qui semble enfin s’émouvoir de l’abondance de ces Ā« arnaques Ā» au crĆ©dit, de la part de faux courtiers et/ou de fausses banques, publie un Ā« communiquĆ© de presse Ā» minimaliste pour s’en inquiĆ©ter (le 4 septembre 2024). En rĆ©alitĆ©, cette rĆØgle de diffĆ©rĆ© de rĆ©munĆ©ration est surtout pĆ©nalisante pour l’IOBSP ; elle n’offre donc aucune protection aux Consommateurs, notamment contre les escrocs. Rappelons que ce principe juridique, dĆ©rogatoire, fait lui-mĆŖme l’objet d’une exception : la rĆ©munĆ©ration du contrat de conseil indĆ©pendant en crĆ©dit immobilier (article L. 519-6-1 du Code monĆ©taire et financier) y Ć©chappe. Dans cette prestation, apparue en 2016, qui ne comporte pas d’intermĆ©diation en opĆ©rations de banque, le Client paie immĆ©diatement l’IOBSP, sans attendre la mise Ć  disposition des fonds. Cette mesure n’a aucunement dĆ©gradĆ© la protection des consommateurs.

L’incohĆ©rence rĆØgne. Elle profite aux Clients dĆ©loyaux. Quelques Clients d’honnĆŖtes Courtiers, voyant manifestement la mauvaise foi comme le cadre ordinaire de leurs relations humaines, une fois les travaux du Courtier en crĆ©dit rĆ©alisĆ©s, une fois le crĆ©dit obtenu, tentent de tirer profit de la rĆØgle d’exigibilitĆ© dĆ©calĆ©e de la rĆ©munĆ©ration de l’IOBSP (article L. 519-6 du CMF) pour Ć©chapper Ć  tout paiement de ces travaux.

Ce jugement du Tribunal judiciaire de Meaux, du 26 juin 2024, illustre avec Ć©clat l’Ć©chec de la tentative dĆ©loyale de ne pas verser la rĆ©munĆ©ration due au Courtier-IOBSP. Ses Ć©lĆ©ments sont simples. Le contrat de mandat date du 20 juillet 2021 et n’a manifestement soulevĆ© aucune question juridique ni de dĆ©lai de prescription (assignation : au 14 novembre 2023, soit plus de deux annĆ©es aprĆØs la date du contrat), ni de rĆ©solution alternative (celle-ci Ć©tant obligatoire pour un montant de litige infĆ©rieur Ć  5.000 euros, art. 750-1 du CPC). L’affaire est donc instruite et jugĆ©e.

Sournoisement, le Client dƩloyal adresse plusieurs reproches au Courtier en crƩdit pour refuser de payer ses travaux :

  • 1/ la clause de rĆ©munĆ©ration serait abusive : la fourchette de rĆ©munĆ©ration (0,8% Ć  1,8%) est fixĆ©e unilatĆ©ralement par le Courtier ;
  • 2/ la rĆ©munĆ©ration finale (4.310 euros) ne respecterait pas les paramĆØtres contractuels prĆ©cĆ©dents ;
  • 3/ le mandat aurait Ć©tĆ© mal exĆ©cutĆ© : les Clients auraient (Ć©videmment….) obtenus le prĆŖt Ā« par eux-mĆŖmes. Ā»

Le Tribunal judiciaire de Meaux donne raison au Courtier et condamne le Client Ơ verser la rƩmunƩration due.

Le Tribunal judiciaire condamne le Client Ơ verser la rƩmunƩration contractuellement promise.

Le Tribunal rejette avec clartĆ© chacun de ces griefs, au fil d’une analyse imparable :

  • 1/ les rĆØgles contractuelles dĆ©terminant la fourchette des frais de courtage sont clairement exposĆ©es : les Clients ont consentis au contrat. Ils ont donc consentis Ć  une rĆ©munĆ©ration qui leur a Ć©tĆ© communiquĆ©e avec clartĆ© et prĆ©cision, Ć©tant bien sĆ»r proposĆ©e par le Courtier ;
  • 2/ la Ā« confirmation de mandat Ā» prĆ©cise le montant chiffrĆ© exact de la rĆ©munĆ©ration : elle n’a fait l’objet d’aucune observation des Clients. La rĆ©munĆ©ration dĆ©coule donc du barĆØme clairement prĆ©sentĆ© et acceptĆ© par les Clients. Note : dans l’affaire, ce document de Ā« confirmation de mandat Ā», non impĆ©ratif en droit des contrats, est produit le mĆŖme jour que le contrat de mandat.

Pour le Tribunal : Ā« Ainsi, la clause des “frais de courtage” stipulĆ© dans le contrat de financement du 20 juillet 2021, en ce qu’elle prĆ©voit une validation par les dĆ©fendeurs des frais de courtage par un acte sĆ©parĆ© fixant dĆ©finitivement leur montant, n’a pas un caractĆØre abusif et ne crĆ©e pas un dĆ©sĆ©quilibre significatif entre les parties. Ā»

  • 3/ les travaux rĆ©alisĆ©s par le Courtier montrent, fort heureusement, que celui-ci a effectivement agi comme Ā« un intermĆ©diaire entre [les Clients] et la banque CIC qui a Ć©mis l’offre de prĆŖt. Ā» Pour le Tribunal : Ā« Les diffĆ©rents Ć©changes entre les parties par courrier Ć©lectronique laissent Ć©galement apparaĆ®tre que [le Courtier] a assurĆ© une mission de conseil auprĆØs [des Clients] pour les diffĆ©rentes formalitĆ©s Ć  accomplir dans l’obtention du prĆŖt. Ā» La dĆ©livrance de son obligation de conseil en crĆ©dit remplit une fonction protectrice du Courtier et de sa rĆ©munĆ©ration.

De plus : les Clients ne dĆ©montrent pas que leur intervention aurait Ć©tĆ© dĆ©terminante pour l’obtention du prĆŖt. Or : cette preuve leur incombe, rappelle le Tribunal judiciaire.

En consĆ©quence, le Tribunal judiciaire condamne les Clients Ć  payer la rĆ©munĆ©ration due au Courtier, ainsi qu’une partie des frais de Justice. L’IOBSP n’obtient pas de dĆ©dommagement au titre de la rĆ©sistance abusive au paiement, alors mĆŖme que la mauvaise foi des Clients est pourtant patente. 

Ce jugement est insusceptible d’appel (dans le dĆ©lai d’un mois, Ć  compter de sa signification), en raison du montant de demande initiale infĆ©rieur au taux de ressort de 5.000 euros (4.310 euros au principal). Il est donc dĆ©finitif.

Ce jugement tout rĆ©cent constitue un obstacle judiciaire supplĆ©mentaire, opposĆ© aux Clients (ici : Consommateurs) de mauvaise foi, qui croient pouvoir dĆ©tourner une rĆØgle pseudo-protectrice du Code monĆ©taire financier pour spolier les Courtiers-IOBSP ayant rĆ©alisĆ© des travaux de recherche de prĆŖt. Les banques malveillantes, tentĆ©es de suggĆ©rer cette pratique aux emprunteurs, s’y cassent les dents.

Dans ces litiges de rĆ©munĆ©ration, la collecte des preuves des actes rĆ©alisĆ©s par le Courtier s’avĆØre fondamentale. Elle s’organise avec mĆ©thode, autour du contrat de mandat. La prĆ©sence des preuves, en particulier pour la clause de rĆ©munĆ©ration, ou pour la clause d’exclusivitĆ© (qui peut utilement complĆ©ter la clause de rĆ©munĆ©ration) est essentielle. Elle assure, face au Client de mauvaise foi, le succĆØs du recouvrement de la rĆ©munĆ©ration. En particulier : en cas de procĆ©dure judiciaire. Or, les IOBSP estiment, Ć  tort, que le contrat de mandat, seul, les protĆØge suffisamment. Tel n’est pas le cas.

MaĆ®tre Laurent Denis 

(www.endroit-avocat.fr) et

MaƮtre Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com

Laurent Denis, Avocat, pratique, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance. Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problĆ©matiques juridiques de votre activitĆ© Ć©conomique.

Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :

  • Pour chaque dossier rĆ©alisĆ© (obtention du prĆŖt), bien conserver les preuves au fil de l’exĆ©cution du contrat et de la prestation. Les preuves : de la signature du contrat de mandat (sans difficultĆ©), des dĆ©pĆ“ts de demandes aux prĆŖteurs (souvent prĆ©sents au dossier du Client), de l’envoi d’un accord de principe au Client (preuve peu conservĆ©e), de l’accord du Client quant Ć  l’accord de principe obtenu (rare), de l’émission de la fiche de conseil en crĆ©dit, pour le Courtier-IOBSP (nĆ©gligĆ©e, lorsque le Client ne donne plus signe de vie : Ć  tort), de la proposition d’une offre de prĆŖt (le cas Ć©chĆ©ant) ;
  • Suivre une procĆ©dure de recouvrement rigoureuse, par Ć©tapes ; par exemple : mise en demeure de payer la facture, recherche d’une ordonnance d’injonction de payer auprĆØs du Tribunal (https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1746) et procĆØs devant le Tribunal. Un Avocat peut aider l’IOBSP (https://www.cnb.avocat.fr/fr/annuaire-des-avocats-de-france) ;
  • C’est au Client qu’il incombe de prouver qu’il a obtenu le prĆŖt par ses propres dĆ©marches, et non grĆ¢ce Ć  celles du Courtier en crĆ©dit ;
  • Depuis le 1er janvier 2024, l’aide au recouvrement amiable de crĆ©ances nĆ©cessite des autorisations administratives. Attention aux personnes qui proposent leur aide pour le recouvrement de rĆ©munĆ©rations de Professionnels, tels que des IOBSP, en enfreinte de la lĆ©gislation en vigueur (art. L. 124-1 et R. 124-1 et s. du Code des procĆ©dures civiles d’exĆ©cution. Voir l’enquĆŖte de la DG CCRF sur le recouvrement amiable illicite : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/recouvrement-amiable-de-creances-un-secteur-sous-surveillance-de-la-dgccrf).
En bref :
Tribunal judiciaire de Meaux, du 26 juin 2024, 24/01763 : https://www.courdecassation.fr/decision/668f995a8dee2c23d20f822dArticle dans Village de la Justice : https://www.village-justice.com/articles/pour-echapper-paiement-courtier-iobsp-credit-les-clients-doivent-demontrer-que,50708.htmlhttps://www.economie.gouv.fr/dgccrf/recouvrement-amiable-de-creances-un-secteur-sous-surveillance-de-la-dgccrfhttps://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F1746Ā« Droit bancaire, Distribution et courtage en crĆ©dit Ā», L. Denis et K. Hocquerelle, chez Emerit Publishing, Ć©dition 2023, notamment pages 62, 63, 413 et suivantes.

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