Les fautes de « FISE » : abondantes, elles privent la banque des intérêts du prêt, parfois en totalité.

Par : Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com) et Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr).

Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.

Laurent Denis, Avocat, exerce, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.

La fiche « FISE » est remise à l’emprunteur qui souhaite souscrire un prêt immobilier. L’absence de remise de la fiche « FISE », tout comme la remise d’une fiche « FISE » incomplète (informations manquantes) ou erronée (informations fausses), fait l’objet de lourdes sanctions. D’ampleurs différentes, selon la nature du manquement du prêteur, ces fautes ont une sanction commune : la perte des intérêts du prêt, infligée au prêteur par un Tribunal, en cas de litige. L’une des erreurs les plus répandues consiste en l’absence de mention de l’Intermédiaire en opérations de banque dans la « FISE », alors même qu’une case (un « cartouche ») est précisément prévue à cet effet. L’erreur éventuelle de calcul du TEG/TAEG du prêt se retrouve souvent dans la « FISE. » L’IOB a tout avantage à s’intéresser aux informations le concernant, reprises dans cette fiche standardisée.

Cour d’appel de Montpellier du 19 juin 2025, n° 23/05638.

La fiche d’information standardisée européenne (ou « FISE ») est obligatoirement remise avant toute proposition de prêt immobilier, depuis le 1er octobre 2016. Bientôt dix ans. Elle comporte quinze rubriques, cases ou cartouches. Son format et son contenu découlent impérativement des dispositions légales : il n’existe en pratique aucune liberté à son auteur, ni dans sa structure, ni dans les informations à placer dans ces cases. C’est le concept de fiche « standardisée. »

Bien que la Loi, hélas, néglige de le préciser, la fiche « FISE » est nécessairement produite par le prêteur. Elle peut être remise soit par le prêteur (cas général, préférable), soit par l’Intermédiaire en opérations de banque (à éviter). L’IOB peut utilement vérifier que la « FISE » est bien remise. Cette dernière vise deux objectifs : (i) renforcer le consentement de l’emprunteur, en lui exposant une information plus accessible qu’avec la lecture du contrat de crédit ; et (ii) permettre à l’emprunteur de comparer différents prêts immobiliers entre eux.

Comme pour toute obligation professionnelle, le prêteur doit apporter la preuve de la bonne remise de la « FISE » à l’emprunteur. L’absence de preuve équivaut à l’absence de remise. En pratique, seule la signature de la « FISE » par l’emprunteur atteste qu’il en a bien eu communication.

Producteur de la « FISE » attachée au prêt immobilier qu’il consent, le prêteur peut commettre trois principaux types de manquements attachés à cette fiche : (i) l’absence de remise de la fiche (ou l’absence de preuve de sa remise) ; ou la remise trop tardive de la « FISE » (ou l’absence de sa remise dans le délai, soit au plus tard, à la remise de l’offre de prêt) ; (ii) des cases laissées vides alors qu’elles doivent contenir des informations ; et (iii) des cases renseignées avec des informations erronées ; parmi ces erreurs, celles portant sur le TEG/TAEG du prêt fait l’objet d’une sanction à part.

La perte d’intérêts à laquelle s’expose la banque repose sur des articles de Lois (fondements) différents et n’est pas de même ampleur, dans chacun des trois cas.

Situations juridiquesSanctions
Absence de remise de la « FISE » Déchéance du droit aux intérêts, soit en totalité, soit dans la proportion fixée par le juge, sans limite et sans condition particulière.
Remise tardive de la « FISE »Déchéance du droit aux intérêts, soit en totalité, soit dans la proportion fixée par le juge, sans limite et sans condition particulière.
Rubrique(s) non remplie(s)Déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, plafonnée : soit à 30% des intérêts, dans la limite de 30 000 euros.
Rubrique(s) remplie(s), avec des erreurs (sauf erreur de TEG/TAEG)Déchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, plafonnée : soit à 30% des intérêts, dans la limite de 30.000 euros.
Rubrique relative au TEG/TAEG comportant des erreursDéchéance du droit aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge, plafonnée : soit à 30% des intérêts, dans la limite de 30.000 euros, à condition pour l’emprunteur de démontrer un préjudice.

Source : Code de la consommation & Endroit Avocat SELAS.

Dans tous les cas d’erreurs de « FISE » : le juge détermine librement le montant de la punition financière. En l’absence de « FISE » (ou en l’absence de preuve de sa remise) le juge peut effacer tous les intérêts du prêt, tels que prévus par le contrat de prêt. Ainsi, l’oubli de « FISE » peut transformer le prêt immobilier en prêt sans taux. Lorsque la « FISE » est remise, comportant des oublis ou des erreurs, le juge détermine la sanction de ces manquements. Cette sanction est plafonnée : soit à 30% des intérêts du prêt, dans la limite de  30.000 euros. Encore un gain appréciable pour l’emprunteur. Lorsque l’erreur commise dans la « FISE » porte sur le TEG/TAEG du prêt immobilier : le juge, pour sanctionner, doit examiner le préjudice subi par l’emprunteur. En pratique, cette preuve est impossible.

Ainsi, une banque (le Crédit Agricole du Languedoc) qui oublie de remettre la «FISE» à l’emprunteur perd son droit à tous les intérêts du prêt immobilier (Cour d’appel de Montpellier du 19 juin 2025, n° 23/05638). L’emprunteur n’a aucune démonstration à faire, notamment : aucune démonstration d’un préjudice qu’il aurait subi. Le fait, pour l’emprunteur, d’être conseillé par un courtier en crédit n’efface pas la faute de la banque. D’autres banques ont déjà subi la même punition : une autre caisse de Crédit Agricole (de Touraine et du Poitou, Cour d’appel de Poitiers, du 15 octobre 2024, n° 23/02105). Une autre, condamnée à ce titre, ne présente même pas de défense (Cour d’appel de Nancy, du 28 août 2025, n° 24/02332).

Les contrôles des pratiques commerciales effectués par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR) chez les prêteurs devraient aisément détecter les erreurs dans la confection des « FISE. » 

L’ACPR est muette à ce sujet, qui ne fait l’objet d’aucune communication.

Les erreurs de « FISE » effectivement remises aux emprunteurs font l’objet de moins de contestations judiciaires. Manifestement, les emprunteurs ne s’intéressent pas à ce moyen de défense. Or, la confection d’une « FISE » ouvre maints pièges au prêteur. 

Deux exemples intéressent l’IOB : le recours de l’emprunteur à un Intermédiaire bancaire, qu’il soit courtier ou mandataire, parfois Mandataire d’IOB, d’une part, et l’erreur de Taux Annuel Effectif Global, logée cette fois dans la « FISE », d’autre part. 

Les prêteurs omettent souvent de mentionner le service d’un intermédiaire bancaire sollicité par l’emprunteur. Cet intermédiaire en opérations de banque peut détenir le statut soit de Courtier, soit de Mandataire d’établissement de crédit agréé. Les Mandataires d’IOB devraient aussi figurer dans la « FISE. » Même s’il est préférable que l’IOB communique à la banque les informations le concernant (trois obligatoires, sur sept prévues) pour remplir la « FISE » (cartouche n°2) la banque connaît nécessairement les informations générales requises, lesquelles sont publiques (www.orias.fr). 

Petit piège : c’est à l’IOB qu’il revient de formuler la mention prévue en matière de conseil. Or, seuls les Courtiers en crédit (et leurs Mandataires) sont tenus à une obligation de conseil ; les ME et les MNE de banques s’abstiendront de toute recommandation, dans la « FISE. » La « FISE » rappelle la rémunération de l’IOB. Une fiche « FISE » qui oublie un, ou plusieurs, IOB, pourtant effectivement intervenus dans la distribution du crédit immobilier, est une fiche « FISE » fausse, erronée. Elle encourt la sanction décrite, à ce titre, sans autre nécessité de preuve que le caractère erroné de la fiche.

L’erreur de TEG/TAEG cette fois dans la « FISE » nécessite, pour être sanctionnée, une condition supplémentaire : la preuve d’un préjudice. Si la banque commet une erreur dans le calcul du Taux Annuel Effectif Global du prêt (TEG/TAEG), il y a fort à parier que cette erreur sera joyeusement reportée dans la fiche « FISE ». Or, cette situation provoque une erreur de « FISE » dont la sanction est non plus l’erreur de TEG/TAEG, mais la présence d’une information erronée. Un contentieux davantage ouvert, pour l’emprunteur et complémentaire du contentieux de TEG erroné. Par symétrie, en ce cas, l’erreur de TEG/TAEG dans la « FISE » exige de l’emprunteur une condition (difficile) pour revendiquer son indemnisation : prouver qu’elle lui occasionne un préjudice. La réparation de l’erreur de TEG/TAEG, fort répandue, suppose donc une condition : celle d’un préjudice causé à l’emprunteur. Cette condition, issue d’une exigence juridique injuste, car pratiquement indémontrable par l’emprunteur, joue efficacement son rôle dissuasif auprès des emprunteurs victimes de ces erreurs : elle allège la charge des juges en récompensant les approximations des banques dans leurs calculs de TEG/TAEG. 

Le caractère rigide de la « FISE » aide aussi un outil l’emprunteur à détecter les erreurs : 

  • de TEG/TAEG. Les exemples sont aussi divers que multiples : absence de conditions d’octroi du prêt et frais figurant au TEG/TAEG, donc découlant nécessairement de services nécessaires pour l’octroi du prêt. 
  • Absence de mention d’un IOB dans la « FISE » et mention de frais d’intermédiation bancaire dans le TEG/TAEG. 
  • Ajout de frais d’intermédiation au TEG/TAEG, alors que le service d’intermédiation en crédit ne fait pas partie des conditions obligations de l’emprunteur « pour bénéficier des conditions du prêt. » 

L’emprunteur dispose donc d’un droit d’indemnisation, non au titre du TEG/TAEG erroné dans le contrat de prêt, mais à raison de l’erreur commise dans la fiche FISE effectivement remise. 

Une Cour d’appel juge qu’en invoquant « l’absence de mention de toutes les hypothèses utilisées pour le calcul du TAEG sans autre précision » et non « l’absence de mention du TAEG ou un TAEG erroné » un emprunteur est privé du bénéfice de la sanction de la déchéance des intérêts en raison de l’erreur dans la « FISE » (Cour d’appel de Lyon, du 18 septembre 2024, n° 23/01664). 

Ajoutons que la Loi prévoit que la « FISE » doit « mettre en évidence » (gras, taille, arrière-plan voire soulignements, couleurs…) les informations « cruciales » et les « mises en garde » du prêt. Une disposition manifestement mal appliquée par les prêteurs.

Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :

  • L’IOB peut produire la case ou cartouche n°2 de la « FISE » pré-remplie, avec ses informations de présentation. Et la communiquer aux établissements de crédit, soit partenaires, soit ceux avec lesquels il se trouve effectivement en relation,
  • L’IOB doit bien prévoir la présence éventuelle de deux Intermédiaires, en cas d’intervention d’un Mandataire, soit de Courtier, soit de Mandataire d’établissement de crédit agréé,
  • L’IOB doit préciser dans la « FISE » le conseil qu’il donne et s’abstenir d’en formuler un, s’il n’y est pas tenu,
  • L’IOB doit préciser sa rémunération dans la « FISE »,
  • L’IOB doit veiller à la bonne remise de la « FISE », produite par le prêteur, au plus tard avec la remise de l’offre de prêt. Toute offre de prêt devrait comporter la « FISE », même si celle-ci a déjà été remise antérieurement,
  • Facultativement, l’IOB peut faire constat soit de l’absence de « FISE », soit des erreurs précises de « FISE » erronées (incomplètes ou comportant des informations fausses), notamment : en cas d’insuffisance des conditions d’octroi du prêt ou d’incohérences entre ces conditions et les montants retenus par la banque pour le calcul du TEG/TAEG. Et conserver cette analyse spécifique dans son dossier interne.
Sources juridiques en bref :FISE : articles L. 313-7, R. 313-4, R. 313-5 et R. 313-7 du Code de la consommation,Modèle de « FISE » et son mode d’emploi : annexe à l’article R. 313-4 du Code de la consommation ;Rubrique ou cartouche n°2 de la « FISE » : informations relatives à l’IOB,Rubrique ou cartouche n°4 de la « FISE » : taux d’intérêt, TEG/TAEG,Rubrique ou cartouche n°8 de la « FISE » : informations relatives aux conditions (« obligations ») nécessaires pour obtenir le crédit,Preuve de la délivrance d’une obligation d’un Professionnel : CJUE CA Consumer Finance, C-449/13 du 18 décembre 2014 ; Cour de cassation, Civ. 1ère du 7 juin 2023 n°22-15552 ;Sanction de l’erreur dans la « FISE » : article L. 341-25 du Code de la consommation ;Sanction de l’absence de « FISE » : article L. 341-26 du Code de la consommation ;Sanction du TEG/TAEG erroné dans la « FISE » : articles L. 341-25 et L. 341-26 du Code de la consommation ;Perte des intérêts du prêt immobilier, pour absence de remise de la « FISE » : Cour d’appel de Montpellier du 19 juin 2025, n° 23/05638.

Copyright© Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, 2025. Article réalisé pour le magazine « IOBETTE publié par l’IEPB. Cet article demeure la propriété intellectuelle exclusive des deux auteurs. Toute autre reproduction, diffusion ou usage qui serait non autorisé par les deux auteurs, quels que soient les supports ou les moyens utilisés, est strictement interdit et constitue un délit de contrefaçon. L’article peut être cité ainsi : « Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, « SON TITRE » (voir en-tête d’article), IOBETTE de l’IEPB, année 2025. »

L’analyse juridique des erreurs dans la « FISE » est également proposé dans le site Village de la Justice (10 septembre 2025).

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