Par Jérôme Cusanno.
Chères lectrices, chers lecteurs, Ce mois-ci, permettez-moi d’ouvrir cet édito avec un sourire. Un sourire de fierté. Car pour une fois — et ce n’est pas si fréquent — la justice donne raison aux courtiers. Et pas une seule fois : trois fois, en un seul jour. Le 14 mai 2025 marquera donc une date à retenir dans nos agendas professionnels, comme le jour où la Cour de Cassation a redessiné l’équilibre entre banques et IOBSP.
C’est une bouffée d’oxygène dans un environnement réglementaire qui, souvent, nous laisse peu de répit. Trois arrêts, trois décisions claires, nettes, motivées, qui reconnaissent que la brutalité contractuelle des établissements bancaires ne peut pas s’exonérer du droit, ni mépriser la valeur d’une relation d’affaires continue.
Alors, à tous ceux qui pensaient qu’un “courtier” n’avait aucun droit, qu’un “non-référencé” devait s’effacer sans discuter, ou qu’un contrat de courtage pouvait être rompu sans motif : non. Le droit protège. Encore faut-il oser s’en servir.
La banque n’a pas toujours raison
Cette idée est d’ailleurs renforcée par l’analyse juridique signée des avocats Maîtres HOCQUERELLE et DENIS, qui nous livrent un article à la fois technique et accessible sur la notion — ô combien délicate — de devoir de mise en garde de la banque. Quand le banquier connaît la situation de son client, notamment sa fragilité financière, il doit l’alerter, le prévenir, formaliser cette mise en garde. Or, trop souvent encore, ces obligations sont éludées ou minimisées dans la pratique bancaire. Ce que nous montre l’article, c’est qu’il ne suffit pas de remettre un document : encore faut-il pouvoir prouver que la mise en garde a été claire, compréhensible, adaptée à la situation du client.
En filigrane, on comprend aussi une chose : le devoir de mise en garde n’est pas l’apanage des IOBSP. Il pèse aussi sur les banques. Et lorsque celles-ci échouent, elles peuvent être condamnées. Ce n’est pas une nouveauté, mais c’est toujours bon à rappeler.
LCB-FT : quand la négligence se paie au prix fort
À propos de condamnation, l’article consacré à la décision de l’ACPR à l’encontre d’une banque pour manquements graves à ses obligations LCB-FT est une lecture indispensable.
L’affaire est lourde : défaut d’analyse des flux, absence de traçabilité, pas de remontée d’alerte interne, et des dizaines de clients ayant des profils à risque… passés entre les mailles du filet.
L’analyse que nous proposons transforme cette décision en une fiche d’apprentissage pour les IOBSP. Pourquoi ? Parce que les obligations LCB-FT ne sont pas réservées aux établissements bancaires. Nous y sommes également soumis, en tant que professionnels assujettis.
L’occasion de rappeler quelques réflexes essentiels :
- Toujours conserver une traçabilité claire des vérifications d’identité,
- Mettre à jour régulièrement les connaissances clients,
- Et ne pas oublier de formaliser ses doutes lorsqu’ils existent.
La négligence se paie, désormais, en réputation, en sanctions, et parfois même en fermeture.
Une alliance surprenante pour encadrer les publicités
Dans ce même registre de vigilance réglementaire, vous découvrirez un article étonnant — et quelque peu inquiétant — sur la coopération inédite entre deux autorités de contrôle : l’ARPP et l’ACPR.
Objectif de cette alliance : lutter ensemble contre les publicités trompeuses en matière de crédit et d’assurance.
S’il est légitime de sanctionner les pratiques abusives, il faut néanmoins alerter la profession : l’encadrement devient de plus en plus strict. Le moindre mot, la plus petite promesse, l’omission d’une mention légale… et c’est l’avertissement, voire l’injonction.
Le risque pour les IOBSP est clair : sans même vendre de crédit ou d’assurance, vous pouvez être sanctionné pour une communication qui sort du cadre.
Plus que jamais, il faut revoir ses argumentaires, ses landing pages, ses visuels. Et se poser la question : ce que je dis est-il conforme ? Est-il clair ? Est-il loyal ?
Quand crédit et conseil en investissement ne font pas bon ménage.
Autre sujet important de ce numéro : l’interdiction pour un IOBSP de franchir la frontière de son statut lorsqu’il présente ou vend un bien immobilier dans une opération globale.
Le cas analysé est révélateur : un courtier qui, au-delà de sa mission de financement, s’est engagé dans la recommandation ou la commercialisation d’un bien à usage locatif. L’affaire ne finit pas bien.
Pourquoi ? Parce que dans ce type d’opération, on glisse du crédit vers l’investissement, et que cela suppose des compétences, des agréments, des devoirs d’information et de conseil supplémentaires.
Bref : chacun son métier. Et si vous voulez aller plus loin, lisez notre article.
Devenir CIF ? Oui, mais sérieusement
C’est justement la conclusion logique de ce numéro : de nombreux courtiers envisagent aujourd’hui de devenir également CIF (conseillers en investissements financiers). Et pourquoi pas ?
Ce statut complémentaire permet d’élargir son champ d’action, d’accompagner les clients sur des sujets patrimoniaux, d’ouvrir de nouveaux marchés — à condition de le faire sérieusement.
La fiche technique du mois présente tout ce qu’il faut savoir pour devenir CIF : les conditions d’accès, les formations requises, les obligations de compétence, d’assurance, de compliance.
Ce n’est pas un simple badge à ajouter à sa carte de visite. C’est un métier exigeant, avec des responsabilités fortes. Mais si vous êtes prêt, si vous voulez franchir un cap, ce peut être une formidable opportunité d’évolution.
Entre vigilance et ambition
Le numéro de juillet vous invite à relever la tête, à vous former, à vous défendre, à vous projeter.
Oui, la réglementation se durcit. Oui, la communication devient risquée. Oui, le formalisme est partout. Mais cela ne doit pas nous empêcher d’avancer, de développer notre expertise, d’ouvrir de nouvelles portes.
- Se battre en justice quand une banque vous méprise ? Oui.
- Apprendre de ses erreurs pour mieux gérer ses obligations LCB-FT ? Oui.
- Mieux se former, mieux s’informer, et peut-être même changer de
- dimension professionnelle ? Encore oui.
L’IOBETTE est là pour ça. Pour vous donner les clés, les exemples, les mises en garde, et aussi… l’envie d’y croire.Bonne lecture, et bel été à tous et toutes.
On se retrouve en septembre pour un nouveau numéro, encore plus percutant.
Jérôme Cusanno
Directeur de l’IEPB
Rédacteur en chef de l’IOBETTE