Crédit, conformité et vigilance : ce que le rapport 2024 de l’ACPR révèle sur la banque et l’intermédiation

Le rapport annuel 2024 de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, publié le 27 mai 2025, dresse un panorama complet de la situation bancaire et financière en France. À travers une analyse structurée et chiffrée, l’ACPR met en évidence les efforts constants des établissements pour maintenir leur solidité dans un environnement complexe. Pour les intermédiaires en opérations de banque, ce rapport ne manque pas d’éclairages importants, tant sur le plan des évolutions réglementaires que sur les attentes concrètes des superviseurs.

À la page 16, on relève d’abord les grandes masses : 657 établissements bancaires supervisés, 639 organismes d’assurance et de réassurance, et environ 65 000 intermédiaires contrôlés au titre des pratiques commerciales. Ces chiffres témoignent de l’ampleur du champ de surveillance de l’ACPR et de sa capacité à maintenir un filet prudentiel étendu.

Présenté à la page 18, ce programme se décline en quatre axes prioritaires. Le premier concerne la surveillance des risques, dans un contexte de volatilité accrue et d’endettement croissant des acteurs économiques. Le deuxième s’attache à adapter la supervision aux profils de risque et à simplifier la réglementation là où cela est possible. Le troisième volet vise à réduire les vulnérabilités structurelles, notamment en accompagnant la mise en œuvre des réformes comme CRD6/CRR3 pour les banques ou Solvabilité II pour les assurances. Enfin, la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT) reste un pilier central de l’action de l’Autorité.

Pour rappel, Solvabilité II est le cadre européen applicable aux organismes d’assurance. Il encadre leur solvabilité, leur gouvernance et leur transparence, afin de garantir leur stabilité à long terme. Quant au couple CRD6/CRR3, il constitue la déclinaison européenne des accords de Bâle III, et renforce les exigences de fonds propres, de contrôle des risques et de transparence pour les établissements bancaires.

Le rapport fait également état, page 21, des nombreux agréments délivrés en 2024. Parmi eux, on note l’agrément de deux établissements de monnaie électronique, SG Forge et Circle, tous deux émetteurs de jetons adossés à l’euro ou au dollar. Des sociétés d’investissement comme BSG France ou Gilbert Dupont ont vu leur statut évoluer, et huit gestionnaires de crédits ont été agréés dans le cadre de la transposition de la directive européenne 2021/2167. Cette dynamique reflète la transformation du paysage bancaire, marqué par la diversification des statuts et l’arrivée de nouveaux acteurs.

L’ACPR, dans les pages 32 à 34, revient longuement sur ses activités de contrôle dans le secteur bancaire. Elle y rappelle l’importance du contrôle de la gouvernance, des moyens humains et techniques, et du suivi des modèles d’affaires. Les risques de taux et de liquidité font également l’objet d’un suivi spécifique. Ce contrôle s’inscrit dans une logique de renforcement de la résilience du système, dans un contexte où les chocs extérieurs peuvent se multiplier.

Page 37, l’Autorité souligne son rôle actif dans l’adaptation du cadre réglementaire, en lien avec les institutions européennes. Elle participe notamment à la finalisation de la transposition de Bâle III à travers les textes CRD6 et CRR3, mais aussi à la relance de la titrisation. Cette dernière vise à transformer des portefeuilles de crédits en titres financiers afin d’alléger les bilans bancaires et de fluidifier le financement de l’économie.

Les courtiers en crédit seront particulièrement sensibles à ce qui est présenté page 41 : l’introduction de la notion de “value for money” (rapport qualité/prix) dans l’analyse des produits distribués. L’ACPR entend vérifier que les produits proposés, notamment en assurance emprunteur, présentent un véritable intérêt économique pour le client. Cette exigence pourrait à terme concerner d’autres produits financiers, dont le crédit, renforçant ainsi la responsabilité des IOBSP dans le choix et la justification des solutions proposées.

Page 42, le rapport revient sur la situation des associations professionnelles de courtage. L’ACPR y affirme qu’après une phase d’accompagnement, elle entame désormais un cycle de vérifications. La citation est explicite : « L’ACPR a poursuivi en 2024 l’accompagnement des associations professionnelles agréées au titre de la réforme du courtage (loi n°2021-402 du 8 avril 2021), notamment via des échanges bilatéraux et des réunions collectives. À la suite de cette phase initiale, l’ACPR entame un cycle de vérifications. »

Enfin, le volet LCB-FT reste une priorité forte, avec 35 contrôles sur place réalisés en 2024, conduisant à 3 sanctions disciplinaires et 3 mises en demeure. L’ACPR insiste sur la nécessité d’un dispositif robuste, incluant un paramétrage fin des alertes, un traitement rigoureux des classements sans suite et une gouvernance interne solide. Ces attentes s’inscrivent dans le prolongement de la future mise en place de l’AMLA, la nouvelle autorité européenne de supervision LCB-FT, prévue pour 2026.

Le rapport 2024 consacre ainsi l’évolution d’un secteur bancaire en quête de robustesse, mais aussi de transparence, d’efficacité et de responsabilité. L’intermédiation de crédit, au cœur de ces dynamiques, est plus que jamais appelée à démontrer sa valeur ajoutée.

Pierre-Emmanuel GUILLON

Juriste à l’iepb. 

Sources : Rapport annuel ACPR 2024 (publié le 27 mai 2025)

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