L’attestation « de refus » de prêt doit être perçue par le Courtier en crédit comme un nid à ennuis. Décidément, la fable de l’obligation (supposée) « de moyens » de l’IOBSP, souvent proclamée par ceux qui voient le Droit comme un « hobby », fait encore beaucoup de dégâts. Même en cas de refus de prêt, le courtier en crédit doit apporter des preuves solides de ses travaux.
Cour d’appel de Versailles du 24 février 2025, n° 22/02692.
La condition suspensive d’obtention de prêt doit « préciser les modalités les moins favorables du prêt envisagé. »
Un vendeur de maisons individuelles est débouté par le Tribunal judiciaire (Versailles) de sa demande d’indemnité (21 700 euros) contre les acheteurs dépourvus de prêt. Il fait appel. La Cour d’appel (Versailles) confirme le premier jugement.
Les acheteurs passent une promesse unilatérale de vente de terrain à bâtir (juillet 2019) puis un contrat de construction de maison individuelle (CCMI, décembre 2019). Ils obtiennent, par l’intermédiaire d’un courtier en crédit, deux accords de principe de prêts (janvier 2020). Le premier, sous réserve d’obtenir une assurance de prêt à hauteur de 100 % pour Monsieur et de 50 % pour Madame et de couvrir les risques de : décès (DC), de perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA) et d’incapacité temporaire totale (ITT). Examens médicaux réalisés, les deux accords de principe s’effondrent : l’offre d’assurance du premier prêt ne convient pas aux conditions du prêteur ; le second prêt échoue à l’épreuve du taux d’usure. Les banques refusent de remettre des attestations de refus de prêt !
Le vendeur soutient que les acheteurs sont directement responsables du refus final du prêt : ils ont souhaité étendre la couverture d’assurance de prêt, ce qui leur a été refusé. Au contraire, pour les Juges, l’impossibilité d’obtenir une assurance de prêt satisfaisant les conditions d’octroi posées par le prêteur ne peut être reprochée à l’acheteur.
De plus, la Cour rappelle que « pour être valable, la condition suspensive portant sur un financement doit préciser les modalités les moins favorables du prêt envisagé concernant le montant maximum, la durée maximale et le taux d’intérêt maximum afin de pouvoir vérifier la correspondance de l’offre de prêt effective avec financement envisagé de l’opération. » Or, le contrat de CCMI était vague, quant aux caractéristiques du financement.
L’attestation « de refus » rédigée par le courtier doit être démontrée par le courtier.
Les banques (les établissements de crédit agréés) n’ont aucune obligation d’émettre des attestations de refus. Exiger contractuellement des candidats à l’emprunt des attestations dépourvues de caractère obligatoire est une pratique notariale non seulement contestable : c’est aussi une efficace fabrique d’ennuis.
Le courtier dispose de la faculté de produire une « attestation de refus de prêt. » Ce service, encore contestée par quelques Notaires, est reconnu. Car : « […] en s’adressant à [un] courtier en prêts immobiliers [l’acquéreur] satisfait à l’obligation de déposer une demande de prêt auprès d’un organisme financier » (Cour de cassation, Civ. 3e du 12 février 2014, 12-27182 ; dans le même sens : Cour d’appel de Paris, 2 décembre 2016, n° 15/08704, Cour d’appel de Grenoble, 15 février 2022, n° 20/02612 et Cour d’appel de Lyon du 18 octobre 2022, n° 20/02836). L’entité notariale en charge de la doctrine juridique diffuse une note interne dans ce sens (CRIDON de Paris, du 5 avril 2018).
L’attestation émise par le courtier est de forme libre (Cour d’appel de Poitiers, du 6 février 2024, n° 22/00794). Pour autant, l’attestation « de refus de prêt » du Courtier n’est pas un simple déclaratif. Elle comporte des informations précises : dates des dépôts, établissements sollicités, surtout : caractéristiques des prêts demandés, en rappelant les caractéristiques de la promesse ou du compromis (Cour d’appel de Paris, du 19 mai 2023, n° 21/14946 ; Cour d’appel de Pau du 28 novembre 2023, n° 22/00083). L’IOBSP est tenu de communiquer des refus de prêt, même sous forme de courriers électroniques reçus des banques (Tribunal Judiciaire de Paris, du 19 septembre 2024, n° 22/01717). L’attestation n’est pas une simple formalité ; c’est un document explicite et doté de preuves.
En pratique, les évolutions des caractéristiques du prêt durant la phase de recherche sont inévitables. Le courtier doit prendre la précaution de faire valider ces modifications par le Client. C’est un élément de sécurité juridique essentiel.
S’agissant des frais attachés au prêt, rappelons que c’est une erreur juridique récurrente de croire que « tous les frais » figurent au TEG/TAEG du prêt. Pour entrer dans le TEG/TAEG, un coût doit réunir trois conditions. L’une d’elles est que ces frais « constituent une condition pour obtenir le crédit ou pour l’obtenir aux conditions annoncées » (art. L. 314-1 du Code de la consommation et Cour de cassation, Civ. 1ère du 22 septembre 2016, n°15-19643 et tout récemment : CJUE, n° C-337/23 du 13 mars 2025). Ce principe légal pourtant en vigueur depuis 2016 est encore fréquemment négligé par les banques. Par exemple, pour les frais de courtage, la Jurisprudence confirme en abondance leur exclusion du TEG/TAEG, dès lors que le courtage en crédit ne fait pas partie des conditions exigées par le prêteur comme préalable à l’octroi du prêt (entre autres : Cour d’appel de Rennes du 15 mai 2020, n°17/00004 ; et Cour d’appel de Metz du 17 septembre 2020, n°19/00692). De plus : les hypothèses du TAEG « doivent être explicitement mentionnées dans le contrat de crédit » (Cour de justice de l’Union européenne, C-377/23 du 23 janvier 2025).
L’absence de délai de dépôt des demandes de prêt pour l’emprunteur ne bénéficie pas au courtier en crédit.
Il n’existe pas de délai impératif de dépôt d’une demande de prêt à la charge de l’emprunteur. Les promesses ou les compromis fixent évidemment un délai de réalisation de la condition suspensive d’obtention de prêt. Ces contrats ne peuvent exiger des délais de dépôt des demandes de prêt (art. L. 313-41 du Code de la consommation ; ancien article L. 312-16 du Code de la consommation, avant 2106). La Jurisprudence confirme ce principe d’absence de délai de dépôt des demandes, depuis une Loi de 1979, soit depuis presque cinquante années (Loi du 13 juillet 1979 ; Cour de cassation, Civ. 1ère du 28 janvier 1992, n°89-11152 ; Cour de cassation, Civ. 3e du 6 juillet 2005 n°04-13381). Même si en pratique, le plus tôt est évidemment le mieux, le dépôt de la demande doit s’effectuer (évidemment) durant le délai de validité de la condition suspensive.
Le courtier ne bénéficie pas de la même largesse. En cas de refus, et de dépôt trop tardif de la demande, la responsabilité du courtier peut être engagée (Cour d’appel de Poitiers du 30 mai 2023, n° 21/02037 ; Tribunal Judiciaire de Draguignan, du 26 juillet 2024, n° 23/02972). Car le courtier doit agir avec diligence (art. L. 519-4-1 du Code monétaire et financier). Mandataire, le Courtier doit rendre compte de sa gestion à son mandant (le client) (articles 1992 et 1993 du Code civil). Le courtier veille à bien formaliser la liste des pièces demandées au client, avec leur délai maximal de remise (art. L. 313-16 du Code de la consommation).
Comme tout professionnel, tout courtier en crédit devrait s’abstenir de répondre directement à un avocat qui lui écrit pour lui faire part de reproches d’un client : un tel courrier matérialise un sinistre, au sens de la responsabilité civile professionnelle. Vérifiez sans tarder vos contrats d’assurance de responsabilité civile professionnelle : résiliez et changez les contrats d’assurance qui imposent un avocat à l’IOBSP, que ce dernier est donc privé de choisir librement.
Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :
- Disposer d’un contrat de mandat (courtier) soigneusement rédigé, s’agissant des caractéristiques principales du prêt à rechercher et de leurs liens avec la promesse ou avec le compromis.
- Faire systématiquement valider par le client les recherches de prêt dont les caractéristiques sont différentes de celles de la promesse ou du compromis de vente.
- Rédiger méticuleusement les attestations « de refus » émises par le courtier en crédit.
- Conserver soigneusement les preuves des éléments attestés dans ces attestations « de refus ».
- Le courrier adressé à un courtier par un avocat, au nom des clients, matérialise un sinistre et doit être traité comme tel, pour ouvrir les garanties du contrat d’assurance de responsabilité civile professionnelle souscrit par l’IOBSP.
- Vérifiez et résiliez les contrats d’assurance de responsabilité civile professionnelle qui prive le courtier de choisir librement son avocat et lui impose l’Avocat choisi par l’entreprise d’assurance.
- Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com)
- Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr)
Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.
Laurent Denis, Avocat, exerce, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.
En bref :
- Cour d’appel de Versailles du 24 février 2025, n° 22/02692 (refus de prêt).
- Cour de cassation, Civ. 3e du 12 février 2014, 12-27182 (refus de prêt et Courtier).
- Art. L. 314-1 du Code de la consommation (composition du TEG/TAEG).
- Cour de justice de l’Union européenne, C-377/23 du 23 janvier 2025 (TAEG).
- Cour de cassation, Civ. 1ère du 22 septembre 2016 (TAEG).
- Cour d’appel de Rennes du 15 mai 2020, n°17/00004 (frais de courtage et TAEG).
- Art. L. 313-41 du Code de la consommation (pas de délai spécifique de dépôt des demandes, pour l’emprunteur).
- Cour de cassation, Civ. 1ère du 28 janvier 1992, 89-11152 (pas de délai spécifique de dépôt des demandes, pour l’emprunteur).
- Art. L. 519-4-1 du Code monétaire et financier (diligences de l’IOBSP).
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