Comme déjà signalé dans le précédent numéro, le regroupement de crédit à la consommation est une opération financière qui permet à un emprunteur de regrouper plusieurs prêts en un seul, afin de réduire ses mensualités et simplifier la gestion de ses dettes.
Comme pour toute opération de crédit, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation, un droit fondamental qui garantit la protection de ses intérêts.
Le Droit de Rétractation : Principes et Modalités
En France, le droit de rétractation pour les crédits à la consommation est régi par les articles L. 312-19 et suivants du Code de la consommation. Ce droit permet au consommateur de se désister de son engagement dans un délai de 14 jours calendaires à compter de la conclusion du contrat de crédit, sans avoir à justifier sa décision ni à supporter de pénalités.
Dans le cadre d’un regroupement de crédits, ce droit s’applique de manière identique. Le consommateur qui souscrit un contrat de regroupement de crédits dispose de ce délai pour réfléchir et éventuellement se rétracter, annulant ainsi l’ensemble des opérations liées au regroupement. Ce droit est essentiel pour éviter que le consommateur ne s’engage précipitamment dans une opération financière lourde de conséquences.
L’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2024, pourvoi n° 22-10.300
La jurisprudence récente de la Cour de cassation, en date du 19 juin 2024 (pourvoi n° 22-10.300), est venue préciser et renforcer le cadre du droit de rétractation en matière de regroupement de crédits.
Dans cette affaire, un couple a souscrit un contrat de regroupement de crédits à la consommation.
Conformément au dit contrat et à la demande expresse des emprunteurs, la banque a versé les fonds, dès le 8e jour de la date d’acceptation de l’offre par l’emprunteur, directement sur les comptes de chacun des précédents créanciers, dont le remboursement de la créance a fait l’objet du contrat.
Toutefois, malgré cette mise à disposition des fonds, le couple a décidé, par la suite, de se rétracter, tout en contestant leur devoir de rembourser à la banque les fonds versés.
Aux termes de sa décision, la Cour a d’abord confirmé, par référence à l’article L. 314-10 du code de la consommation, le droit des consommateurs d’exercer leur droit de rétractation dans le cadre d’un contrat de regroupement de crédits.
Ainsi, selon la Cour, lorsque les crédits à la consommation mentionnés à l’article L. 312-1 faisaient l’objet d’une opération de crédit destinée à les regrouper, le nouveau contrat de crédit était soumis aux dispositions du code de la consommation relatives aux crédits à la consommation.
Puis, la Cour a reconnu au prêteur le droit d’obtenir la restitution des fonds prêtés en cas de rétractation des emprunteurs.
Ainsi, la Cour a confirmé que le versement des fonds par le prêteur directement sur les comptes des créanciers des emprunteurs, ne faisait pas obstacle à l’exercice par le prêteur contre l’emprunteur de l’action en restitution prévue par l’article L. 312-26, dès lors que ce versement avait été fait après l’expiration du délai de sept jours prévu à l’article L. 312-25.
Autrement dit, si la banque, conformément à l’exigence légale de l’article L.312-25 du Code de la consommation, a versé les fonds après un délai de sept jours, en cas de rétractation des emprunteurs dans un délai légal de 14 jours, ceux-ci ont l’obligation de les restituer.
Toutefois, la Cour a refusé à la banque de bénéficier du droit d’appliquer la capitalisation des intérêts sur les fonds versés.
En effet, selon la Cour, la règle édictée par les dispositions de l’article L. 312-26 du Code de la consommation, selon laquelle, le prêteur n’a droit à aucune indemnité versée par l’emprunteur en cas d’exercice de son droit de rétractation, fait obstacle à l’application de la capitalisation des intérêts prévues à l’article 1342-2 du Code civil.
Conclusion
L‘arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2024, n°22-10.300, renforce la protection des consommateurs en clarifiant que le versement des fonds par la banque après le délai de 7 jours n’empêche pas l’exercice du droit de rétractation dans le délai de 14 jours. Cette décision réaffirme le droit fondamental des emprunteurs à se rétracter, même après réception des fonds, en garantissant que le formalisme du versement des fonds ne peut annuler ce droit.
En refusant le droit au prêteur de solliciter la capitalisation des intérêts en cas de rétractation, la Cour a également ouvert la voie à une possible révision des pratiques bancaires, soulignant la nécessité d’un équilibre entre les droits des emprunteurs et les intérêts financiers des prêteurs.
Cette jurisprudence pourrait ainsi avoir des implications significatives sur la manière dont les établissements financiers gèrent les rétractations dans les opérations de regroupement de crédits.
| En bref : L’arrêt de la Cour de cassation du 19 juin 2024, pourvoi n°22-10.300,Les articles : L. 312-1, L. 312-19, L. 312-25, L. 312-26, L. 314-10 du Code de la consommation,L’article 1342-2 du Code civil. |
Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr) et Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com)
Laurent Denis, Avocat, pratique, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.
Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.

