Le Devoir de Conseil en Crédit : Une Obligation Réservée aux Courtiers et à leurs Mandataires

Le devoir de conseil en crédit : une obligation mais pour qui ? 

Dans le domaine du courtage en crédit, une distinction fondamentale existe entre les différents acteurs du marché en matière de devoir de conseil. Contrairement aux idées reçues, ce devoir ne concerne pas tous les professionnels du crédit, et en particulier, il n’incombe pas aux banques. Il est strictement réservé aux courtiers en crédit et à leurs mandataires (MIOB). Un éclairage sur cette obligation réglementaire permet de mieux comprendre les enjeux et responsabilités qui pèsent sur ces intermédiaires.

Un Devoir de Conseil Encadré par la Loi

Le devoir de conseil en crédit trouve son fondement dans les articles R519-28 et R519-29 du Code Monétaire et Financier (CMF). Ces textes précisent les obligations spécifiques des courtiers en crédit et de leurs mandataires, qui doivent fournir à leurs clients une analyse approfondie du marché et une recommandation adaptée à leur situation financière et à leurs besoins.

Contrairement aux établissements bancaires, dont l’obligation se limite à une mise en garde contre les risques liés au crédit, les courtiers ont une mission plus exigeante :

  • Analyser un nombre suffisant de contrats pour garantir une évaluation objective du marché.
  • Comparer différentes offres afin de proposer la solution la plus adaptée.
  • Éclairer le client sur les implications de son engagement financier.
  • Motiver la recommandation en expliquant comment le choix du contrat proposé a été déterminé.

Cette exigence impose au courtier une approche méthodique et rigoureuse pour assurer la protection du consommateur.

Il est important de souligner que les banques ne sont pas soumises à cette obligation de conseil. Une jurisprudence constante, notamment un arrêt de la Cour de Cassation (Com., 31/01/2017), rappelle que, sauf disposition légale ou contractuelle contraire, un établissement de crédit n’a pas d’obligation de conseil à l’égard de son client.

De plus, suivant le principe du mandataire qui hérite son statut et ses prérogatives de son mandant, les mandataires exclusifs et non exclusifs de banques ne sont pas soumis à l’obligation de conseil en crédit. En d’autres termes, un intermédiaire travaillant sous mandat d’une banque adopte la même approche que celle-ci, qui consiste à proposer des offres sans obligation de conseil.

Cependant, cela ne signifie pas que les ME et MNE sont dispensés de toute responsabilité. Comme tout IOBSP, ils doivent :

  • Recueillir des informations sur la situation du client (découverte client).
  • Calculer les possibilités financières pour évaluer la capacité d’endettement.
  • Expliquer les obligations de l’emprunteur et les risques en cas de non-remboursement.
  • S’abstenir de proposer une solution de financement inadaptée à la situation du client.

Ces obligations relèvent du principe général selon lequel tout IOBSP doit agir dans le meilleur intérêt du client. Bien qu’ils ne soient pas tenus d’analyser plusieurs offres ni de proposer une comparaison entre différents établissements, les ME et MNE doivent néanmoins veiller à présenter une solution cohérente avec les besoins et la capacité de remboursement du client.

Cette taxonomie n’existe pas dans les textes, ni à l’ORIAS mais force est de constater qu’il existe dans la pratique 2 types de MIOB : 

  • les mandataires de courtier, le MIOB-C
  • et les mandataires de mandataire de banque, le MIOB-M

En sachant que l’ORIAS ne distingue pas les MIOB selon leur mandant et si on ne peut pas cumuler sous le même statut plusieurs types de crédit, peut-on alors être immatriculé en tant que MIOB et distribuer à la fois du prêt immobilier et du regroupement de crédits ? Oui ! 

L’Application du devoir de conseil pour les courtiers et MIOB

Dans la pratique, l’application du devoir de conseil repose sur plusieurs éléments concrets :

La collecte d’informations
Avant toute recommandation, le courtier doit recueillir des informations détaillées sur la situation financière, les objectifs et les contraintes du client. Cela se formalise généralement par un questionnaire structuré, appelé généralement le document d’entrée en relation.
La comparaison et l’analyse des offres
L’analyse du marché ne se limite pas à une simple présentation de différentes offres. Le courtier doit examiner les spécificités des contrats et évaluer leur adéquation aux besoins du client.
La formalisation de la recommandation
La préconisation doit être explicitement documentée et justifiée. Le courtier doit préciser les raisons de son choix et expliquer comment il a pris en compte les attentes et contraintes du client. Sur ce point, je vous mets en garde sur les automatismes et vos CRM. Quelques lignes suffisent, mais de préférence personnalisées.
La conservation des preuves
Comme dans toute obligation réglementaire, il est essentiel de conserver une trace des échanges et des conseils donnés, notamment via un CRM ou un document de préconisation signé par le client.

Le non-respect du devoir de conseil expose le courtier à des risques juridiques et financiers importants. Un manquement peut être sanctionné par des poursuites judiciaires en cas de préjudice pour le client. De plus, les instances de contrôle, telles que l’ACPR, peuvent infliger des sanctions en cas de non-conformité aux obligations réglementaires.

C’est pourquoi la formation et la mise en place de processus rigoureux sont essentielles pour assurer un accompagnement de qualité et sécuriser la pratique du courtage en crédit.

En définitive, le devoir de conseil est une garantie pour les consommateurs qui font appel à un courtier ou à son mandataire. Il assure une approche personnalisée et une mise en concurrence des offres, contrairement à une simple démarche auprès d’une banque ou de ses mandataires.

Alors que le marché du crédit est de plus en plus complexe et encadré, cette obligation représente un atout différenciant pour les professionnels du courtage. Elle valorise leur rôle d’accompagnateurs et d’experts capables d’orienter les emprunteurs vers des solutions optimales, tout en assurant une totale transparence.

Jérôme CUSANNO

Directeur de l’IEPB 

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