Démarchage à domicile attention aux répercussions sur le contrat de crédit à la consommation

La grippe sévit. Le contentieux du démarchage à domicile aussi. Lorsque le bon de commande du bien est irrégulier, non-conforme aux règles du démarchage, et que le vendeur du bien est en liquidation judiciaire, l’emprunteur peut judiciairement se voir dispensé de rembourser le prêt à la banque. Ces principes, récents, éliminent tout simplement le prêt. 

Ils constituent un risque pour certains IOBSP, dont le métier est parfois de financer des biens mobiliers achetés à crédit (à la consommation). Cette solution, posée pour le démarchage non bancaire, couplée à une vente à crédit, ouvre des conséquences potentielles pour tout IOBSP en crédit à la consommation qui pratique le démarchage bancaire ou même la vente à distance, de manière non-conforme.

La sanction originale du démarchage (c’est-à-dire vente hors établissement) non-conforme, lorsque le vendeur de bien est en liquidation judiciaire est la disparition du prêt.

Dans une salve remarquée de quatre décisions du 10 juillet 2024, la Cour de Cassation a fixé un principe de responsabilité du prêteur, en cas de démarchage bancaire fautif, couplé à des fautes de la banque, avec une conséquence juridique notable : l’emprunteur conserve les capitaux du crédit. Il n’a rien à rembourser à la banque. !

La résolution (ou l’annulation) du contrat de vente objet du financement entraîne l’annulation du contrat de crédit affecté à cette vente. Solution ancienne. En principe et en conséquence : l’emprunteur est alors tenu de restituer le capital emprunté. Dans ces litiges, les fonds sont souvent entre les mains d’un prestataire, le fournisseur du bien ou du service, et non entre celles de l’emprunteur. Et bien souvent, le prestataire est insolvable ou n’existe plus (en liquidation judiciaire).

La Cour de Cassation a posé que l’emprunteur est dispensé de restituer le capital du prêt, à condition qu’il démontre à la fois, (i) l’existence d’une faute du prêteur et (ii) un préjudice consécutif à cette faute. 

Dans l’affaire jugée le 10 juillet 2024, la faute de la banque est établie car elle « n’a pas vérifié la régularité formelle du contrat principal. ». Reste à savoir si l’emprunteur a subi, ou non, un préjudice, qui le dispense alors de tout remboursement du prêt à la banque. La Cour de Cassation décide que la liquidation judiciaire du démarcheur (vendeur, prestataire) constitue toujours un préjudice, car elle prive l’emprunteur de recouvrer les fonds. 

Dans ces litiges, abondants, l’emprunteur accepte un contrat de crédit, à la suite d’un démarchage bancaire. Le prestataire est également le démarcheur. Ce vendeur détient soit un statut d’Intermédiaire en opérations de banque s’il propose le financement, soit d’Indicateur d’affaires s’il met simplement l’emprunteur en relation avec le prêteur. Le produit financé est insatisfaisant (un arsenal de panneaux photovoltaïques et autres installations approximatives) ; le prestataire-démarcheur disparaît (liquidation judiciaire). L’emprunteur demande l’annulation du contrat d’achat du bien et l’annulation du crédit. La banque rétorque, à juste titre, que sa fonction de prêteur n’a guère à voir avec le fonctionnement d’un équipement. C’est juste ; et sans effet utile. La réunion de sa faute et de la liquidation judiciaire du vendeur de biens annule le prêt, ainsi que toute obligation de remboursement pour l’emprunteur. Une conséquence de taille.

Ces principes juridiques pourraient aisément trouver des applications, en cas de démarchage bancaire (relatif au crédit à la consommation) également non-conforme. Or, l’IOBSP pratique aussi le démarchage bancaire ou la vente à distance, en crédit à la consommation.

Les risques pour le démarcheur bancaire en crédit à la consommation.

Il suffit à l’emprunteur de produire des pièces : un bon de commande irrégulier, notamment, non-conforme aux principes juridiques qui gouvernent le démarchage à domicile. Nombre de mentions légales y manquent, par exemple : le Médiateur de la consommation (voir également : Cour de cassation, Civ. 1ère du 18 septembre 2024 n°22-19583). La Cour de Cassation juge que le prêteur commet une faute en consentant le crédit affecté sans avoir vérifié la régularité du contrat principal au regard des dispositions protectrices du consentement du consommateur (Civ. 1ère du 10 décembre 2014, pourvois n° 13-26585, 14-12290 et du 26 septembre 2018, pourvoi n° 17-14951). Ainsi, la banque est tenue de vérifier que le bon de commande est conforme aux règles du démarchage à domicile (Cour de cassation du 26 septembre 2018 n° 17-14951). La banque est donc responsable de cette vérification. L’irrégularité du démarchage matérialise la faute.

Le prêteur est privé de sa créance de restitution lorsque l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien causal avec cette faute (Civ. 1ère du 25 novembre 2020, pourvoi n° 19-14908). Sur ce point, la Cour de Cassation modifie donc sa jurisprudence, le 10 juillet 2024 : la liquidation judiciaire du vendeur équivaut nécessairement un préjudice pour l’emprunteur. Le résultat juridique s’impose : ce dernier est dispensé de restituer le capital au prêteur. Cette solution de juillet 2024 reporte la sanction finale du démarchage irrégulier sur la banque, seule.

Une telle situation provoque des conséquences sur le démarchage bancaire en crédit à la consommation. Il est aisé d’imaginer que tout démarchage bancaire non-conforme, qui ne serait pas contrôlé par la banque, engage la responsabilité de cette dernière. Avec un risque avéré, en cas de liquidation judiciaire du vendeur du bien financé. En cas de procédure judiciaire de la part de l’emprunteur, la banque serait privée de tout remboursement. La liquidation judiciaire du vendeur du bien constitue automatiquement un tel préjudice ; et d’autres cas de figure peuvent priver l’emprunteur de récupérer les fonds et constitue également un préjudice. 

Les règles juridiques décrites s’activent dans les Tribunaux (Cour de Cassation, Civ. 1ère du 9 octobre 2024, n°22-16430 ; Cour d’appel de Versailles, du 12 novembre 2024, 23/03835 ; Cour d’appel de Rennes, du 19 novembre 2024, 22/04168 ; Cour d’appel de Rennes du 7 janvier 2025, 22/05462). 

Un démarchage bancaire non-conforme de la part d’un IOBSP en crédit à la consommation ouvre le risque juridique de priver le prêteur du remboursement du prêt.

Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :

  • Basiquement : les dispositions applicables à la proposition d’un contrat d’intermédiation en opérations de banque, consécutif à une vente hors établissement (démarchage) doivent être appliquées systématiquement, et faire l’objet d’un contrôle interne ;
  • Particulièrement, la liquidation judiciaire du vendeur du bien financé par un crédit intermédié, pour lequel les dispositions de la vente hors établissement n’auraient pas été délivrées, ouvre un risque judiciaire potentiel pour le prêteur, qui pourrait se retourner contre l’Intermédiaire bancaire concerné ;
  • Les principes juridiques exposés peuvent, possiblement, s’appliquer également à la vente à distance de contrats d’intermédiation en opérations de banque portant sur des crédits. 
En bref :Cour de cassation, du 10 juillet 2024 n°22-24754,Démarchage bancaire : art. L. 341-1 et s. du Code monétaire et financier,Contrats conclus à distance portant sur des produits financiers : art. L. 222-1 et s. du Code de la consommation.

Maître Katarzyna Hocquerelle Maître Laurent Denis

(www.avocatlegal.com)  (www.endroit-avocat.fr).

Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.

Laurent Denis, Avocat, exerce, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.

Copyright© Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, 2025. Pour le magazine « IOBETTE. Cet article demeure la propriété intellectuelle exclusive des deux auteurs. Toute autre reproduction, diffusion ou usage qui serait non autorisé par les deux auteurs, quels que soient les supports ou les moyens utilisés, est strictement interdit et constitue un délit de contrefaçon. L’article peut être cité ainsi : « Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, « Démarchage à domicile : attention aux répercussions sur le contrat de crédit à la consommation », IOBETTE, février 2025. »

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