Sanctions des pratiques déloyales en assurance emprunteur : 

une amorce, qui appelle la répression massive des entorses aux droits des consommateurs.

Par : Maître Katarzyna Hocquerelle (www.avocatlegal.com) et Maître Laurent Denis (www.endroit-avocat.fr).

Katarzyna Hocquerelle, Avocat, vous accompagne dans les problématiques juridiques de votre activité économique.

Laurent Denis, Avocat, exerce, diffuse, enseigne et critique le droit de la distribution bancaire et d’assurance.

Enfin : un réveil. Bien tardif ; encore bien insuffisant. « L’IOBETTE » du mois d’octobre 2025 en parlait fort justement : après une première banque le 2 octobre 2025, le 15 octobre, trois autres banques ont été punies par la Direction Générale de la Consommation, de la Concurrence et de la Répression des Fraudes (DGCCRF). Quatre banques sanctionnées (enfin !) pour leurs entraves à la Loi : pour leurs manquements à leurs obligations en matière de délai de traitement des demandes de substitution d’assurances de prêt. Une première salve utile. Clairement : bien insuffisante, en considération des manquements abondants des banques dans ce marché de l’assurance de prêt. La liberté de choix de l’emprunteur n’est toujours pas effective après vingt années de législations toujours plus prometteuses les unes que les autres.

Sanctions infligées par la DGCCRF à quatre banques, le 15 octobre 2025.

Quatre banques sanctionnées pour leurs enfreintes répétées au délai légal de dix jours en substitution d’assurance emprunteur.
La DGCCRF, service administratif relevant du ministère de l’économie, doté de prérogatives de puissance publique, chargé de missions de contrôle, dispose d’une compétence propre en matière de concurrence, de consommation et de pratiques commerciales. Elle l’exerce en coopération, notamment avec les autorités sectorielles. Elle est « l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation » (art. L. 631-1 du Code monétaire et financier), dans une organisation nationale de la protection du consommateur bancaire sans doute trop subtile pour être efficace.

En octobre 2025, la DGCCRF a prononcé, pratiquement à la chaîne, quatre sanctions (des amendes administratives) contre quatre banques. Le 2 octobre 2025, la DDPP – Direction de la protection des populations – du Bas Rhin annonçait une amende de 196.000 euros contre le CIC Est (IOBETTE d’octobre 2025) pour « des dépassements importants du délai légal de 10 jours ouvrés pour répondre aux demandes de substitution d’assurance emprunteur et modifier par avenant les contrats de prêts, contraignant parfois l’emprunteur à payer une double cotisation d’assurance et à en réclamer par la suite le remboursement. » Ni le nombre, ni les montants, ni les conséquences financières ou dommageables des enfreintes ne sont précisés. Mystère. Le premier des quatre contrôles remonte à presque deux années (« le 18 août 2023 et le 24 mai 2024 »).

Une lenteur qui surprend et interroge.

Le 15 octobre, trois autres sanctions sont donc publiées le même jour, pour les mêmes manquements légaux. Ainsi, trois amendes administratives (298.000 euros pour la Bred-Banque Populaire, 328.158 euros pour le Crédit agricole d’Ile de France et 80.000 euros pour la Caisse d’épargne Ile de France) s’ajoutent à la sanction précédente. Toujours sans grande précision, la DGCCRF indique qu’elle relève l’enfreinte au délai de dix jours « dans un nombre significatif de dossiers » Pudeur touchante, quant au nombre des enfreintes à la Loi. Variations des amendes, d’une banque à une autre, selon les règles de sanction appliquées par la DGCCRF, alors qu’une peine disciplinaire sera beaucoup plus dissuasive.

La résistance des banques au droit de substitution d’assurance emprunteur s’est mise en place avec la généralisation de ce droit théorique, en 2022. Des associations professionnelles ou des entreprises d’assurance, tout comme des réseaux d’intermédiaires d’assurance spécialisés, documentent cette enfreinte. D’après l’étude publiée en 2023 par le Comité Consultatif du Secteur Financier (CCSF) sur ce thème, les demandes de substitutions d’assurance emprunteur stagnent à seulement 200.000 par année, environ ; pour 16 millions de contrats. Un ratio dérisoire. La forte croissance (évidemment) du nombre de substitutions réjouit les partisans, estimables, de la communication positive ; et masque l’échec de la généralisation de ce droit, pourtant consacré par une décision du Conseil constitutionnel, en 2018.

Les sanctions prononcées par la DGCCRF en octobre 2025 sont assorties « d’une obligation de publication sur le site internet […] » des banques concernées. Une sale punition, sans doute, à l’ère agitée de la circulation véloce de toute « information » et autres éléments dépourvus de désignation adéquate, qui ressemblent à de l’information. La pratique du « nommer pour faire honte » (en bon français), entrée dans le Code de la consommation en 2022, n’a pas de portée efficace en pareil cas. La désignation publique d’entreprises qui enfreignent la Loi n’a d’effet que si les consommateurs disposent de liberté de changer de fournisseur. Or, en assurance de prêt, les emprunteurs sont prisonniers des pratiques commerciales déloyales des banques, lesquelles appliquent toutes les mêmes méthodes. 

La portée d’une telle sanction :

Comment doit se faire cette publication ? Combien de temps ? Les sites des banques n’affichent pas visiblement la sanction. Sans durée suffisante et sans imposer la sanction dans la page d’accueil, une telle « peine » fait peine à voir. Le silence des associations de défense des consommateurs, après ces sanctions, est remarquable.

Pas de profond effet d’annonce. Pas de grand effet à raison des montants des sanctions. Pas davantage d’effet pour redresser l’anomalie choquante : l’absence de liberté des consommateurs français en assurance emprunteur.

Les sanctions ne changent rien : les manquements massifs des banques à la Loi en matière d’assurance emprunteur doivent être identifiés et sanctionnés massivement.

Les montants des quatre sanctions ne semblent pas contestés par les quatre banques. Ils sont plutôt bien minces, en considération des forts enjeux, qu’ils soient financiers ou de liberté des consommateurs. En effet, le marché français de l’assurance emprunteur demeure particulièrement déséquilibré, en dépit de vingt années de législation feignant le volontarisme : neuf contrats d’assurance de prêt sur dix sont imposés par les prêteurs aux emprunteurs, à des tarifs élevés. Le droit au libre choix initial de l’assurance n’est pas plus effectif que le droit de substitution d’une assurance de prêt. Au rythme d’évolution des parts de marché, il faudra un siècle et demi pour parvenir à un équilibre de type « 50/50 » entre les deux familles de contrats, les « bancaires » (de groupe) et les autres (en délégation ; le terme « d’alternatif » imposé par le dialecte bancaire est honteusement connotée). Le contrat d’assurance emprunteur déléguée n’est pas une « alternative », pas plus que les droits du consommateur.

Besoin d’une réforme

La situation bancale du marché français de l’assurance emprunteur appelle depuis bien longtemps un programme sérieux de contrôles et de sanctions fortes. La liberté de choix de l’assuré au moment de la souscription du prêt et du contrat d’assurance emprunteur demeure le principal sujet. Les pratiques commerciales déloyales, aisées à constater notamment lors des contrôles des banques, doivent être réprimées fermement. Après vingt années de Lois vaines, l’heure est aux contrôles. Deux appuis se présentent dans cette perspective : assurer la liberté effective des courtiers en crédit, également intermédiaires d’assurance, de pouvoir formuler des propositions d’assurance de prêt sans subir de représailles des banques ; vérifier la bonne délivrance de leur devoir de conseil en assurance emprunteur par les banques, notamment à la lumière de la nouvelle doctrine de l’ACPR (recommandation de 2024 sur le conseil en assurance, applicable le 31 décembre 2025), en justifiant notamment l’utilité des contrats d’assurance pour l’assuré, en regard du prix payé (« value for money »).

L’assurance emprunteur est l’un des derniers refuges du système bancaire français né des années 1960 : modèle auto-proclamé « universel », ce concept bancaire en phase d’effondrement privilégiait l’emprisonnement des consommateurs et la surfacturation des services. Ce temps s’achève. Les Lois ont changé. Il est temps de les appliquer. Outre la sanction des pratiques contraires aux normes déjà votées, des nouvelles mesures demeurent souhaitables, en l’absence de telles sanctions. 

Par exemple : interdire au prêteur la vente d’assurance emprunteur liée au prêt. Plus paisiblement : imposer l’obtention d’au moins deux propositions d’assurance avec chaque contrat de prêt, dont l’une émanant d’un intermédiaire d’assurance, comme peut l’être aussi un IOB, sans lien avec la banque. 

Que fait l’Autorité de Tutelle ?

La DGCCRF, qui a sanctionné les manquements constatés dans ces quatre banques (toutes font de même), n’est donc pas l’entité de supervision des banques. Cette mission est confiée à un département de la Banque de France : l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR, articles L. 612-1 et L. 612-2 du Code monétaire et financier). Celle-ci reçoit deux principales missions : la préservation de la stabilité financière, et la protection des clientèles. Après les quatre sanctions mentionnées, l’ACPR n’a émis aucun commentaire : ni « communiqué de presse », ni rappels, ni… Rien ! Manifestement, ses deux missions sont incompatibles. Il est grand temps d’en tirer les conséquences, en installant un système français efficace de protection des consommateurs des secteurs de la banque et de l’assurance, dont l’objectif serait le respect des droits des consommateurs et dont l’efficacité répressive serait visible.

Quatre sanctions limitées ne suffisent pas à délivrer le travail de répression nécessaire à la résorption des mauvaises pratiques commerciales en assurance emprunteur. L’objectif demeure : que la liberté du consommateur soit effective, dans ce domaine.

Points d’attention, en pratique pour l’IOBSP :

  • L’IOB commercialise de l’assurance de prêt seulement s’il dispose du statut d’Intermédiaire d’assurance (IAS). La vente massive et fréquente d’assurance (de prêt) par un IOB n’est juridiquement pas une activité « accessoire » à l’activité de vente de prêts ; c’est une activité de distribution d’assurance au plein sens du terme juridique,
  • L’IOB qui possède le statut d’IAS est à jour de sa capacité professionnelle d’assurance, tant initiale (contrôlée par l’ORIAS à l’immatriculation) que continue (vérifiée par l’Association professionnelle agréée, s’il est Courtier ou Mandataire d’un Courtier),
  • L’IOB/IAS s’il participe à la vente d’assurance emprunteur de groupe de la banque agit dans un cadre juridique préalablement clarifié, notamment par son contrat avec le Client. Il délivre les obligations précontractuelles du distributeur d’assurance, notamment : l’obligation de conseil en assurance. À défaut, l’IOB/IAS se tient soigneusement à l’écart de la commercialisation d’assurance emprunteur de groupe effectuée directement par la banque, débitrice du devoir de conseil en assurance, matérialisé par une fiche spécifique,
  • Les pratiques commerciales interdites (soit déloyales, soit trompeuses, soit agressives) peuvent être signalées par les consommateurs dans le site SignalConso.
Sources juridiques en bref :Assurance emprunteur dans le Code de la consommation : articles L. 313-8 et suivants, L. 313-29 et suivants, L. 313-31 (délai de dix jours)Résiliation d’assurance dans le Code des assurances : art. L. 113-12-2 al. 1er et C. mut. art. L. 221-10 al. 3Résiliation d’un contrat souscrit en ligne « en trois clics » :  art. D. 215-1 du Code de la consommationSanctions prononcées par la DG CCRF : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/laction-de-la-dgccrf/injonctions-et-sanctionsSanction contre la Bred-Banque Populaire : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/laction-de-la-dgccrf/injonctions-et-sanctions/sanction-de-298-000-eu-lencontre-de-la-bred-banque-populaire-pour-non-respect-de-laSanction contre le Crédit agricole d’Ile de France : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/laction-de-la-dgccrf/injonctions-et-sanctions/sanction-de-323-518-eu-contre-la-caisse-regionale-de-credit-agricole-paris-idf-pour-non-respectSanction contre le CIC Est : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/laction-de-la-dgccrf/injonctions-et-sanctions/amende-administrative-de-196-000-eu-lencontre-du-cic-est-pour-non-respect-de-la-reglementationSanction contre la Caisse d’épargne d’Ile de France : https://www.economie.gouv.fr/dgccrf/laction-de-la-dgccrf/injonctions-et-sanctions/sanction-de-80-000-eu-contre-la-caisse-depargne-et-de-prevoyance-ile-de-france-pour-non-respectLettre ouverte à l’ACPR, du 26 novembre 2021 : https://endroit-avocat.fr/wp-content/uploads/2021/11/Courrier-ACPR-Pratiques-commerciales-assurance-emprunteur-26-11-2021.pdfLe site SignalConso de la DG CCRF permet de déclarer toute anomalie constatée dans les droits des consommateurs : https://signal.conso.gouv.fr/fr

Copyright© Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, 2025. Article réalisé pour le magazine « IOBETTE publié par l’IEPB. Cet article demeure la propriété intellectuelle exclusive des deux auteurs. Toute autre reproduction, diffusion ou usage qui serait non autorisé par les deux auteurs, quels que soient les supports ou les moyens utilisés, est strictement interdit et constitue un délit de contrefaçon. L’article peut être cité ainsi : « Laurent Denis & Katarzyna Hocquerelle, « SON TITRE » (voir en-tête d’article), IOBETTE de l’IEPB, année 2025. »

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