Quand trop de règles tuent la règle : plaidoyer pour une réglementation claire et utile des IOBSP

Un courtier passe parfois plus de temps à prouver qu’il respecte la loi qu’à exercer son métier. Cette phrase illustre bien le paradoxe actuel de la profession d’IOBSP. Pensée pour protéger le consommateur et encadrer l’activité, la réglementation s’est progressivement transformée en un labyrinthe juridique où chaque nouvelle règle vient superposer des obligations déjà existantes.

Les IOBSP occupent pourtant une place essentielle dans le système financier, car ils mettent en relation les établissements bancaires et les clients, favorisent l’accès au crédit et contribuent à la transparence des services financiers. Mais face à un empilement croissant de textes législatifs, réglementaires et européens, leur quotidien s’alourdit.

L’objectif de cet article est clair parce qu’il vise à démontrer que si la réglementation est indispensable, sa surabondance nuit à son efficacité. Une simplification et une clarification des règles apparaissent aujourd’hui comme une nécessité pour renforcer à la fois la protection du consommateur et la compétitivité de la profession.

L’arsenal réglementaire des IOBSP

Le métier d’IOBSP est encadré par une accumulation de textes (Code monétaire et financier, loi de 2010, directives européennes, règlements de l’AMF et de l’ACPR, obligations de formation initiale et continue, etc.) Si chacun de ces dispositifs répond à une logique de protection du consommateur ou de sécurisation du marché, leur juxtaposition crée un ensemble trop dense, fragmenté et technique. Résultat : les professionnels doivent naviguer entre des normes éparses, souvent redondantes ou contradictoires, ce qui complexifie leur exercice quotidien et détourne leur énergie de leur cœur de métier, le conseil et l’accompagnement du client. On peut ainsi critiquer un excès de réglementation qui, sous couvert de professionnalisation, génère en réalité une charge administrative lourde et un risque permanent de non-conformité par simple méconnaissance des détails législatifs.

Prenons l’exemple des obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT).

Les IOBSP sont soumis aux articles L561-1 et suivants du CMF, avec des exigences proches de celles des banques : vérification de l’identité, vigilance renforcée, procédures internes, déclarations à Tracfin.
Problème : pour une petite structure ou un indépendant, appliquer ces obligations techniques (souvent calquées sur les grands établissements) est lourd et disproportionné. Cela crée un risque de sanction administrative non pas par mauvaise foi, mais par manque de moyens humains et juridiques.

Conséquences pratiques

Les conséquences pratiques de la réglementation excessive dans la profession des IOBSP sont multiples. Tout d’abord, elle entraîne une charge administrative lourde puisque le professionnel doit jongler avec une multitude d’obligations, telles que l’inscription à l’Orias, la justification des heures de formation initiale et continue, la mise en place de procédures internes (LCB-FT, conformité ACPR) ou encore l’archivage des documents. Ainsi, dans les petites structures, cela se traduit par un temps considérable consacré à l’administratif au détriment du conseil client, de sorte que le courtier devient parfois davantage un gestionnaire de conformité qu’un accompagnateur financier. 

De plus, cette réglementation complexe engendre un risque de non-conformité involontaire, car elle est souvent technique et éparse, avec des articles qui se recoupent ou manquent de clarté (comme les frontières entre les obligations de l’ACPR et celles de l’AMF). 

Par conséquent, le professionnel, même de bonne foi, peut se retrouver en infraction par simple oubli ou mauvaise interprétation, ce qui alimente un climat d’insécurité juridique et un sentiment de fragilité permanente. 

Enfin, cette densité normative constitue un frein à l’activité et à l’innovation, puisqu’elle peut décourager certains candidats à l’installation, en particulier les indépendants, en raison de la lourdeur des démarches et des coûts de mise en conformité. 

En outre, pour les acteurs déjà établis, la rigidité des normes limite la capacité à développer de nouvelles offres (digitalisation, outils de conseil en ligne, partenariats innovants), ce qui risque de favoriser les grands groupes mieux armés en matière de conformité, au détriment de la diversité, de la concurrence et, in fine, du dynamisme du secteur.

Plaidoyer pour une réglementation claire et utile

Pour améliorer l’efficacité du cadre réglementaire des IOBSP, certains principes fondamentaux doivent être respectés. Tout d’abord, la clarté et l’accessibilité des textes sont essentielles, car il est nécessaire de disposer d’une réglementation rédigée de manière simple, synthétique et compréhensible, afin que chaque professionnel puisse en saisir aisément la portée sans devoir recourir systématiquement à une expertise juridique. 

Ensuite, le principe de proportionnalité doit prévaloir, car les obligations imposées devraient correspondre au risque réel encouru par le consommateur comme l’exemple d’une petite structure indépendante ne peut être soumise à la même lourdeur de conformité qu’un grand établissement bancaire disposant d’équipes dédiées. 

Par ailleurs, l’harmonisation des normes apparaît indispensable pour éviter les redondances entre lois, décrets et directives européennes, qui alourdissent inutilement le dispositif et créent des zones d’incertitude. 

Sur la base de ces principes, plusieurs propositions concrètes peuvent être avancées en procédant au regroupement et à la simplification des obligations de formation, afin d’assurer un socle commun sans multiplier les contraintes répétitives. Aussi, il faut mettre à disposition des professionnels un guide officiel pratique recensant et clarifiant l’ensemble des obligations légales, outil de référence unique permettant de limiter les erreurs d’interprétation et enfin, favoriser le développement de procédures numériques pour réduire la charge administrative, fluidifier la relation avec les régulateurs et permettre aux IOBSP de consacrer davantage de temps à leur véritable mission, à savoir le conseil et l’accompagnement des clients.

En définitive, il apparaît clairement que si la réglementation des IOBSP demeure indispensable pour assurer la protection du consommateur et la crédibilité de la profession, elle ne doit en aucun cas se transformer en un carcan incompréhensible et paralysant. 

La simplification semble être dans l’air du temps du côté de la Commission Européenne, qui finalement a compris que trop de réglementation tue la réglementation. Les consommateurs ne lisent plus, signent et acceptent pour aller à l’essentiel : obtenir un financement, une assurance, une proposition, etc.   De plus, certains “experts” à la Commission européenne ont compris que sur format mobile, toutes ces pages d’information et de mise en garde étaient contre productives. Avec bientôt l’avènement des commandes vocales et de l’IA, toute cette paperasse précontractuelle et contractuelle n’est pas possible. Il est peut-être temps de faire entendre votre voix, car seul un dialogue clair et constructif entre la profession et le législateur permettra de bâtir une réglementation à la fois efficace, plus souple, proportionnée aux risques, et toujours protectrice des clients. Autrement dit, il ne s’agit pas de rejeter la régulation, mais de la repenser collectivement pour qu’elle devienne un outil de confiance, au service du marché et non un frein à son dynamisme.

Bachir BORAUD 

Juriste à l’iepb

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