Katarzyna Hocquerelle, l’avocate qui met l’intermédiation à la barre.

Avocate associée chez Avocatlegal à Versailles, Katarzyna Hocquerelle s’est imposée, dossier après dossier, comme l’une des rares praticiennes du contentieux et du conseil dédié à l’intermédiation bancaire. Entre pédagogie des règles, pragmatisme des preuves et éthique de la relation client, son regard traverse l’actualité des IOBSP, de la jurisprudence aux associations professionnelles agréées par l’ACPR. Portrait et convictions, lors de cette rentrée sous tension mais pleine d’opportunités.

Née en Pologne, arrivée en France à la fin des années 1990, Katarzyna Hocquerelle tombe «amoureuse de Paris» pendant un troisième cycle et exerce son métier depuis, plus de vingt ans. Elle réalise ses premières armes dans des cabinets parisiens, puis c’est l’envol : l’installation, « depuis de très nombreuses années », en cabinet propre — aujourd’hui comme avocate associée au sein d’Avocatlegal, à Versailles.

Deux lignes de force structurent sa pratique. D’un côté, l’accompagnement des chefs d’entreprise « dans tous les domaines », avec ce que cela suppose d’ingénierie contractuelle et de stratégie : « J’ai toujours eu le goût de l’analyse, du montage, du contact et de la mise en place d’une stratégie juridique. » De l’autre, une spécialisation devenue signature : les intermédiaires bancaires, courtiers et mandataires (MIOB), qu’elle conseille et défend en conformité, contrats (mandat client, mandat de mandataire), et contentieux.

« Ce qui m’intéresse, c’est d’identifier les points forts et les faiblesses d’un dossier, d’articuler une stratégie, puis d’expliquer cette logique au juge. »

Sa sensibilité « européenne » — elle travaille régulièrement des dossiers franco-polonais avec un correspondant sur place — nourrit une approche très concrète des questions d’applicabilité de la loi, de compétence juridictionnelle et d’exécution transfrontalière. Mais c’est en France que son expertise singulière s’affine, au contact d’un secteur où « beaucoup de ses confrères raisonnent avec de grands principes de droit » sans toujours mesurer les « spécificités qui ne s’appliquent qu’aux intermédiaires bancaires ».

Déclic et compagnonnage intellectuel : sa rencontre de longue date avec Me Laurent Denis, qui l’encourage à investir ce champ « passionnant mais peu connu». Il s’en suit : publications, ouvrage commun, articles dont un par mois dans l’IOBETTE — pour faire connaître ces règles, et surtout pour apprendre à les expliquer. Car le cœur de sa méthode tient en un mot : pédagogie.

« Les juridictions sont encore mal informées des spécificités de l’intermédiation. Le rôle de l’avocat est d’être un pédagogue des règles applicables. »

Pour Katarzyna Hocquerelle, personne n’a découvert en 2023 que le marché tournait au ralenti. La hausse des taux, la raréfaction des crédits, les normes HCSF : « deux années catastrophiques » pour beaucoup d’IOBSP, avec chiffre d’affaires « divisé par deux voire par trois », dépôts de bilan, et multiplication des litiges — honoraires impayés côté clients, litiges sur les rétrocessions dues aux mandataires, exécutions contractuelles discutées, etc.

Le gouvernement a tenté des assouplissements, les banques « commencent à s’adapter » à un paysage où l’agence physique se fait rare et où le courtier devient « acteur clé » de l’accès au crédit. L’exclusion silencieuse de profils « atypiques » (indépendants, professions libérales) a mis en lumière le rôle du courtier comme passeur de solvabilité et négociateur. La dynamique repart, dit-elle, « mais l’accès au crédit reste un défi » : il faut de la créativité, et un très bon montage.

« Le dynamisme l’emporte, mais l’accès au crédit reste difficile. D’où le rôle de l’humain, dans le montage, l’explication et la négociation. »

Sur le HCSF, Katarzyna met des mots sur une gêne juridique partagée : « On ne sait pas très bien comment traiter ces normes. Ce n’est ni la loi ni une décision de justice. » Elles s’imposent pourtant, par la pratique bancaire et par crainte des responsabilités — ce qui « bride l’accès au crédit » et affecte tout l’écosystème, de l’IOBSP au notaire en passant par l’artisan du bâtiment. 

Pourquoi pas de recours ? Parce que la nature juridique de ces prescriptions, leurs effets et leurs sanctions ne sont pas simples à appréhender : « D’où la complexité », souligne-t-elle. 

L’«opposabilité du mandat » reste une revendication des courtiers : que la banque prenne le dossier du mandataire du client et l’instruise. Katarzyna rappelle des évidences juridiques souvent oubliées : « Un crédit n’est pas une obligation de la banque. » Même si la relation avec les courtiers progresse, la mécanique « forcer la porte → instruire → répondre » n’est pas acquise. Et quand bien même la banque accepterait d’ouvrir, elle reste libre de refuser sans justification motivée au fond. Côté pratique, elle invite les IOBSP à ne pas pousser des dossiers objectivement trop faibles : le retour de manivelle existe.

« Les juridictions étendent progressivement les exigences à l’égard des courtiers : conseil renforcé, vigilance, transmission des informations utiles. »

  1. Promesse de vente et non-obtention du prêt
    Les clients se retournent contre les courtiers lorsqu’ils perdent l’indemnité d’immobilisation : tout part des attestations de refus (forme, contenu, conformité aux conditions de la promesse). Difficiles à obtenir des banques, elles sont parfois émises par les courtiers ; leur rédaction et leur adéquation deviennent centrales.
  2. Clients « opportunistes » et honoraires
    Le courtier obtient une offre, le client s’en sert pour négocier en direct et évincer l’intermédiaire. « La jurisprudence est plutôt favorable aux courtiers dès lors qu’il y a offre de prêt — pas un simple accord de principe ». Preuves, traçabilité et clauses bien rédigées font la différence.
  3. Courtiers ↔ MIOB : la sortie du réseau
    Non-paiement de plusieurs mois de commissions avant la rupture, compensations unilatérales, concurrence déloyale alléguée des ex-MIOB, validité des clauses de non-concurrence (souvent trop générales ou trop longues) : c’est un champ de mines. Un récent arrêt de la Cour de cassation est venu rappeler l’obligation de payer la rémunération due au mandataire, sans compensation automatique ; l’issue, rappelle-t-elle, reste affaire de pièces et de rédaction soignée.

Dans le crédit conso, « l’algorithme décide » de plus en plus l’éligibilité. Or la transposition à l’automne 2025 d’une directive européenne prévoit notamment un droit à la réévaluation humaine — un point à suivre. Quant aux outils d’IA dans la pratique quotidienne, Katarzyna appelle à la prudence : données personnelles, confidentialité, et gouvernance ; privilégier des solutions qui ne « publient » rien, et bannir les informations clients des plateformes non maîtrisées.

« L’IA est formidable mais dangereuse si l’on n’a pas la main sur la donnée. Ce que vous écrivez peut vous échapper. »

Le regard est net. La profession est réglementée, mais accessible sans diplôme ; d’où l’importance des formations (initiale et continue) et de corps intermédiaires solides. Pour Katarzyna, la mise en place d’associations professionnelles agréées est « une bonne chose » : tendance à la structuration, contrôle des conditions d’accès et d’exercice, responsabilisation. 

Que pensez des retraits partiels d’agrément récents ? La « loupe » de l’ACPR joue son rôle : représentativité, efficacité, services rendus.

Sur la délicate frontière entre droit privé (association loi 1901) et missions déléguées d’intérêt public, elle anticipe une maturation. Il y aura plus de sanctions disciplinaires, des procédures plus cadrées, et peut-être « un jour » un ordre ou une chambre professionnelle. En attendant, un conseil simple : ne pas attendre pour se mettre en conformité démontrable.

Premier message : faire reconnaître l’intermédiation comme un vrai métier d’experts. Ni accessoire, ni « zone grise ». Le marché « a besoin » de ces professionnels — particuliers comme entreprises — pour ouvrir des portes, calibrer la solvabilité, expliquer le risque et négocier : « Le courtier est devenu un acteur clé. »

Deuxième message : bien s’entourer. Un bon expert-comptable, une RC pro adaptée, et un avocat qui connaît la matière, et pas seulement en pompier quand tout brûle ;

aussi en amont, pour relire un mandat, corriger une clause, organiser une sortie de réseau, ou monter une stratégie de négociation.

La protection juridique professionnelle peut-elle aider ? Oui, on peut choisir son avocat et faire prendre en charge des démarches précontentieuses (mise en demeure, etc.), sous réserve des garanties du contrat.

Troisième message : éthique et garde-fous. Ne pas « passer en force » des dossiers objectivement fragiles. La responsabilité du prêteur ne disparaît pas, mais « on cherche de plus en plus la responsabilité de tout le monde ». L’IOBSP doit pouvoir montrer qu’il a conseillé, alerté, vérifié et transmis.

« Le conseil le plus important : soigner la traçabilité. Tout ce que vous dites, faites et recommandez doit pouvoir se prouver. »Concrètement : comptes rendus écrits, accusés de réception, check-lists signées, versioning des documents et attestations de refus rédigées avec rigueur. C’est la meilleure assurance contentieuse… et un marqueur de professionnalisme.

1. Maîtrisez le cadre réglementaire, en continu.
La profession est réglementée. On peut accéder sans diplôme, mais pas sans obligations. Formation initiale puis formation continue : c’est votre capital, votre bouclier et votre signal-prix. Les règles bougent (crédit conso, IA, données) : restez à jour et anticipez.

2. Équipez-vous des bons contrats… et relisez-les vraiment.
Mandat de recherche de capitaux, contrat de mandataire, clauses de non-concurrence, rémunération et rétrocession, confidentialité, données : chaque mot compte. Une clause « trop large » devient inapplicable ; une clause « trop floue » est inefficace. Faites-les revoir avant d’en avoir besoin.

3. Tracez, prouvez, archivez.
La traçabilité n’est pas une obsession administrative, c’est une assurance contentieuse et un outil de pilotage. Attestations conformes, correspondances précises, conservation des offres de prêt (distinctes des accords de principe), preuve de transmission d’informations aux banques : ce sont vos pièces maîtresses.

4. Restez éthiques et lucides.
Le « maquillage » d’un dossier fragile finit toujours par se voir. Ne « nettoyez » pas un relevé, n’édulcorez pas une capacité de remboursement. Conseillez loyalement ; refusez si nécessaire. Mieux vaut une relation perdue qu’une responsabilité engagée.

5. Entourez-vous (vraiment).
Maître HOCQUERRELLE nous l’a déjà dit, mais insiste sur ce point : un expert-comptable qui comprend votre modèle de revenus (honoraires, rétrocessions, saisonnalité). Une RC pro adaptée. Un avocat référent qui connaît l’intermédiation — pour un audit contractuel, une négociation de sortie, ou un précontentieux. Et, si vous avez une protection juridique, contactez-la en amont : exposez votre besoin, proposez votre conseil, vérifiez la prise en charge des diligences préalables.

6. Soyez intelligents avec l’IA.
Ne mettez jamais d’informations clients dans des outils dont vous ne maîtrisez pas la confidentialité. Préférez des solutions locales ou fermées. L’IA peut accélérer la production documentaire, pas la responsabilité : tout ce qui sort doit être vérifié, sourcé, signé.

« L’idéal est d’avoir un avocat qui connaît déjà votre activité et que vous pouvez appeler en amont. Dans la pratique, on intervient trop souvent en pompier. »

Conclusion — Une profession qui grandit, un standard qui s’élève

Au fil de l’entretien, une ligne se dessine. L’intermédiation bancaire n’est ni un appendice des réseaux bancaires, ni un simple canal de distribution : c’est un métier d’experts en construction, qui élève ses standards à mesure que les contraintes s’accumulent. Les normes HCSF, l’IA, la judiciarisation des relations, la montée en puissance des associations agréées : autant de défis qui imposent de la méthode (contrats, preuves, conformité), de la pédagogie (devant le juge, le client, la banque) et une éthique claire.

Katarzyna Hocquerelle ne promet pas la disparition des contentieux — au contraire, elle en voit l’augmentation. Mais elle trace un chemin praticable : prévenir plutôt que subir, documenter plutôt que discuter, négocier plutôt qu’assigner « à tout coup ». C’est ainsi que l’intermédiation s’affirme, pas à pas, comme une profession qui compte.

« Reconnaissons l’intermédiation comme un vrai métier d’experts. Formez-vous, entourez-vous, et soignez la traçabilité. Le reste suivra. »

Propos recuillis par

Jérôme CUSANNO

le 03/09/2025.

Me Katarzyna Hocquerelle, avocate associée au sein du Cabinet Avocatlegal

Votre conseil juridique de confiance, doté d’une expérience approfondie en droit de l’intermédiation bancaire.

Tél. 01.39.02.37.74

www.avocatlegal.com

contact@avocatlegal.com

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