Regroupement de crédits : ce que l’enquête de la DGCCRF doit interpeller chez les IOBSP

Récemment, la DGCCRF — service français de contrôle, de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes — a publié les résultats d’une vaste enquête portant sur les pratiques des professionnels du regroupement de crédits. Parmi les 47 acteurs contrôlés, un tiers a été mis en cause, en raison de manquements sérieux à l’obligation d’information et à la législation applicable. clubic.com

Cet événement appelle un moment de réflexion pour l’ensemble de la profession, et plus particulièrement pour les IOBSP qui interviennent dans le montage ou la commercialisation de rachat/rachat-regroupement de crédits. Voici ce que disent les contrôles, ce qu’imposent les principes légaux, et ce que les intermédiaires doivent impérativement garder en tête.

Ce que l’enquête a révélé : des manquements trop fréquents

L’enquête menée par la DGCCRF s’est concentrée sur le respect de la réglementation relative à la publicité, à l’information précontractuelle et au devoir d’information des clients. Le constat est préoccupant : sur 47 professionnels contrôlés, environ 15 ont vu des anomalies relevées — soit un tiers. Parmi les reproches principaux : des publicités trompeuses, des omissions dans l’information donnée au client, des comparaisons de mensualités sans mention du coût total du crédit, et l’absence — ou l’insuffisance — des mentions obligatoires. 

Plus en détail : certaines annonces vantaient une baisse de mensualité, sans jamais indiquer que, à durée allongée, le coût global du crédit pouvait augmenter. D’autres supports omettaient la mention obligatoire « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». En outre, très souvent, l’information précontractuelle — celle qui doit accompagner un rachat ou un regroupement — était insuffisante ou incomplète. Les exemples chiffrés du coût total, des échéances, de la durée, des frais annexes manquaient, rendant impossibles des comparaisons honnêtes avec la situation antérieure de l’emprunteur. Ministère de l’Économie. Ces manquements ne sont pas anecdotiques : la DGCCRF a émis 13 avertissements, 6 injonctions, et 2 procès-verbaux à l’encontre des professionnels fautifs.

Les principes légaux à respecter : rappel pour les IOBSP

Le cadre juridique applicable au crédit à la consommation, et donc au regroupement de crédits, prévoit des obligations claires en matière de publicité, d’information et de transparence.

D’abord, toute publicité portant sur un crédit doit mentionner de façon lisible que « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». Légifrance

Si la publicité indique des chiffres (taux, mensualité, durée, exemple chiffré), elle doit également faire apparaître le coût total du crédit, le TAEG, et toutes les informations permettant au consommateur d’apprécier le réel impact financier du prêt. 

Par ailleurs, lors de la conclusion d’un tel crédit, l’emprunteur doit bénéficier d’une information précontractuelle complète, notamment sur ses revenus, ses charges, son endettement, afin d’évaluer sa capacité réelle de remboursement. 

En cas de manquement à ces obligations, le crédit peut être contesté, voire invalide, et des sanctions — administratives voire pénales — peuvent être prononcées. 

Ce que cela signifie concrètement pour les IOBSP

Pour un courtier ou mandataire, cette actualité ne relève pas d’un simple signal d’alarme. Elle doit être perçue comme un appel à la vigilance permanente et comme un critère de qualité professionnelle différenciant.

Quand vous mettez en avant le regroupement de crédits, le client ne recherche pas forcément un prêt “neuf” : il attend un allègement de ses charges, un confort budgétaire, une meilleure visibilité sur son endettement. Dans ce contexte, toute absence d’information sur le coût total, toute omission de la mention obligatoire, toute présentation trop optimiste sans mise en garde, constitue une faille grave, susceptible de déboucher sur un contentieux… ou une sanction.

Cela signifie que, en tant qu’IOBSP, votre rôle doit aller bien au-delà du simple montage technique : vous êtes aussi — et surtout — un conseiller responsable, chargé de restituer au client la réalité financière de l’opération. Vous devez auditer le besoin, éclairer le client sur les conséquences sur le long terme, comparer le “avant / après”, chiffrer le coût global, expliciter les risques liés à un allongement de la durée, à un TAEG élevé, ou à une mensualité ajustée.

Quand le marché est sous le regard des autorités de contrôle, votre réputation ne repose plus seulement sur votre capacité à placer des dossiers, mais sur votre rigueur documentaire, votre transparence, votre éthique. Dans un contexte de pression accrue sur les pratiques commerciales, c’est là que se fera la sélection des IOBSP crédibles.

Ce que recommande l’IOBETTE — posture professionnelle & bonnes pratiques

À l’heure où la DGCCRF cultive une vigilance accrue, l’IOBETTE encourage tous les IOBSP à adopter une posture proactive :

  1. Avant toute publicité, relire vos supports et vérifier la présence explicite de la mention légale obligatoire.
  2. S’assurer que toute annonce chiffrée prévoit l’affichage du TAEG, du coût total, de la durée, du montant total dû, et d’un exemple représentatif conforme à la réglementation.
  3. Dans le cadre d’un regroupement, réaliser un montage comparatif “situation avant / situation après”, avec projection chiffrée, pour mesurer l’impact réel sur le budget du client.
  4. Informer clairement le client des risques encourus : allongement de la durée, coût total plus élevé, alourdissement de l’endettement sur le long terme.
  5. Documenter toutes les étapes : entretiens, informations fournies, acceptation du client, consentement éclairé. Garder traces, preuves, simulations.
  6. En cas de doute, privilégier la transparence, ou s’abstenir : un dossier bâclé est aujourd’hui un risque réel, non seulement pour le client, mais pour le professionnel lui-même.

L’enquête de la DGCCRF n’est pas un épisode isolé. Elle s’inscrit dans un mouvement plus vaste de contrôle renforcé des pratiques de crédit à la consommation, de protection des ménages fragiles, et de responsabilisation des professionnels. Pour les IOBSP, ce contexte n’est ni un frein, ni une contrainte inutile : c’est une occasion de rehausser la qualité du service, de bâtir une confiance durable, d’asseoir une réputation sérieuse et crédible.

Si certains opérateurs seront mis hors marché, les autres — ceux qui jouent la transparence et le conseil — sortiront renforcés. À terme, la profession pourrait sortir grandi de cette mise sous surveillance, pour peu que chacun prenne conscience que le regroupement de crédits n’est pas un simple “produit miracle”, mais un engagement à long terme — pour le client comme pour l’intermédiaire.

Jérôme CUSANNO

Directeur de l’iepb.

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